
Comme
dans son mouvement, quand il faut joindre l’utile à l’agréable, faire une sorte
de sport de grandes marches, tout en nettoyant méthodiquement les plages, les
campagnes et entourages, ce que faisait les anciens dans tous les domaines, en
profitant naturellement de toutes les occasions, joignant les mouvements
synchronisés afin de ne pas perdre du temps et reconvertir le tout en produits
semi finis ou quelques fois finis. Nos ancêtres avaient apprivoisé les animaux
pour la viande, le lait, la laine, le labour, le transport, les tractions dures
et l’accumulation disponible et génératrice de richesses. La laine, ce produit
noble, était cardé et filé par les bonnes femmes, après des réunions festives
« Raghata » pour le cardage par des jeunes filles robustes, le
filage, était fait par des femmes mures qui le faisait même en gardant les
moutons, ou marchant dans la rue et même en rendant visite à des voisines. Une
grande bottine de laine entre le ventre et l’habit, le fuseau à la main et le
bout du fil dans l’autre, qui servait aussi à le frotter sur la cuisse ou sur
l’extérieur de la jambe pour le faire tourner et transformer la laine touffue
en un fil solide qu’elle enroulait sur le fuseau aussi. Quelques-unes
fabriquaient une installation de tissage des bandes « Flij » pour les
assembler et en faire une tente à partir du poil de chèvres. Pour la
manufacture de la laine, pour le transformer en draps de laine et
« Wazra » pour les hommes, il y avait des dizaines d’artisans Djerbiens
qui avaient investi les Ksars du littoral et autres endroits pour faire ce
travail commandé. Les femmes leur apportaient les gros ballots de laine filé pour
les reprendre un mois plus tard, en couvertures confortables. Pour les
hommes, cet habit, sous forme de grande étoffe en laine, était en couleurs
selon les tribus, bleu beige pour les Akkara, rouge pour les Twazine et Hwaya,
et blanc pour les Wderna et autres. La Wazra, porté par l’homme adulte, avait
plusieurs fonctions, d’habit, de tente, de parasol, de drap, de coussin, de chauffage
et climatiseur car la laine garde la chaleur et le froid selon les saisons.
Pendant la moisson, les travailleurs la nouaient à leur milieu et attaquaient
les plantations d’orge et de blé, comme des machines. Il faut donc imaginer, la
scène quand le thé bouillait sur les braises à même le sol, surveillé par la
dame qui gardait aussi les moutons tout en roulant le fuseau sur sa jambe
découverte à l’occasion, pendant que les enfants, jouaient à faire des anses de
jarres cassées, des moutons rigides et peu encombrants.
De
leur côté, les hommes solides, allaient pendant trois mois, à la pêche aux
éponges aux environs des Îles de Kerkennah, pour vendre leur récolte à Sfax,
passer à Djerba pour acheter les plants d’oliviers et ne rentraient au village
que quand ils avaient planté et irrigué les oliviers. C’était ainsi, en
chevauchant, le temps, le mouvement, les espaces, qu’ils avaient transformé cet
animal marin, en oliveraie verdoyant, leur fierté.
Comme on le sait, il n’y avait pas de déchet et chaque objet avait son
rôle ou recyclé complètement, tant la vie était totalement intégrée dans
l’organique renouvelé. Quand un palmier tombait, il était automatiquement
transformé en produits pour les gens et nourriture pour les animaux. Palmes et
troncs pour les constructions de cabanes, jus et cœur de palmier, produits pour
faire le feu pour la cuisine, régimes secs pour nettoyer devant les maisons,
cordelettes, matériaux pour faire des tamis pour les olives, des chapeaux de
paille, des couffins, de petits silos…. Je me rappelle encore, comment les deux
frères coiffeurs du village, « Ouederni », fabriquaient touts ces
objets en dehors de leur travail initial, soit, des chapeaux de pailles pour
l’été et le reste pour la cueillette des olives. Mais la merveille, était que
ces deux braves frères, continuaient à tisser en marchant vers leurs lieux de
travail et dans la boutique quant il n’y avait pas de client. Une constance au
travail utile et une merveilleuse raison de vivre. Dans le même sujet,
Boughmiga avait fait un poème il y a quelques années, qu’il ne retrouve plus à
cause des centaines d’écrits entremêlés, au sujet d’un aveugle, de la région de
Sango, qui filait avec les pommes de mains toutes les journées les palmes en
cordelettes, « krera » dont les cercles s’entassaient avec l’action,
et quant des troupes de l’armée allemande était passé devant lui à plusieurs
reprises, certains soldats l’avaient qualifié ironiquement de machine humaine
qui faisait des cordes sans fin.
Cette synchronisation, le temps, l’espace et le mouvement, avec le
circonstanciel et les happenings, dont nos ancêtres et parents avaient excellé
l’adaptation et l’intégration mutuelle de l’être et l’acte. Pendant la
cueillette des olives, les paysans devaient se déplacer avec leurs tentes,
leurs moutons, leurs poules, leurs chiens et l’indispensable paire d’échelles
pour parvenir aux sommets des arbres. Toutes les journées, les adultes
travaillaient et les enfants aidaient à ramasser les olives du sol des arbres.
La cuisine, au bois, était toujours succulente et toutes les familles s’asseyaient
autour de la marmite au-dessus des flemmes de feuilles vertes. Dans cette
ambiance, les femmes n’arrêtaient pas de continuer le travail malgré la
fatigue, en épluchant les olives des petites brindilles collectés pendant la
journée. Des olives que normalement, les bons pères de familles, donnaient
volontiers aux femmes et les autres pour les encourager, mais ce n’était pas
toujours le cas de cette générosité. Il y avait même des hommes durs, qui pour
ne pas laisser les femmes oisives après cette tâche et exploiter le temps
restant avant de dormir, faisait apporter des sacs de dattes pour qu’elles les
décortiquent et les rendre à sécher dans les maisons en attendant d’autres
quantités la nuit suivante. Un travail dur, à plein temps et sans répit, qui ne
laissait pas la place à l’oisiveté. Ce n’était pas seulement l’homme qui gérait
les choses avec intransigeance, mais les vieilles femmes aussi, meurtris des
difficultés de la vie, se comportaient avec rigueur dans ce genre de
circonstances. Alors certaines d’entre elles, le soir, refusaient aux belles
femmes et autres, le droit aux olives rassemblées, mais ces dernières usaient
de ruses pour reconquérir leur droit. Loin des regards, elles remplissaient les
jarres d’olives, prétextant aller chercher de l’eau, le vendaient aux « cantines »
disséminés dans tout l’oliveraie à l’occasion. Avec l’argent elles achetaient
de la « Chamia » pates sucrés qu’elles cachaient au fond de la tente
et des cacahuètes pour le thé du soir. Mais comment fallait-il faire pour que
la vieille matriarche ne s’aperçoive pas de la tricherie ! alors, quand
l’une d’entre elles commençait à griller le fruit sec, l’autre se préparait
pour applaudir gaiement et étouffer chaque fois, le bruit de ce vacarme, sur le
bruit de déplacement des fruits au fond de la tasse pour qu’ils ne brulent pas.
Une ruse sympathique, vis-à-vis d’un comportement particulier, dans des temps
beaux, mais difficiles.
Ainsi, dans des temps difficiles, les gens aussi étaient difficiles,
quand ils allaient à la Choucha pour rentrer avec des centaines de tonnes de grains
et encore plus de bottes de foin à dos de chameaux ou sur les barques à voile.
Comme ils allaient en expéditions collectives pour la pêche aux éponges,
traversant les courants d’eau et gérant les risques divers… Aucune comparaison
avec les temps qui courent, descendus de nos montures, sans parcours ni
boussoles, attendant l’espoir d’une renaissance, collective, ne serait ce que
pour imiter nos vaillants ancêtres….
Lihidheb
mohsen 23.02.2021