mardi 22 avril 2014
Medenine paradise
Cette année, le sirocco a commencé tôt, dans l’Oued de Médenine, transformé en place de marché hebdomadaire…à cause du manque de pluies et de la proximité du désert… Un marché super plein d’arabes, berbères, des blancs, des bruns et des noirs…une mosaïque multicolore de gens, de produits, d’activités, d’animaux et bestioles, de grains et de légumes, de poissons séchés et colliers de figues…autour des centaines de Ghorfa légendaires…les Ksars d’autrefois, hélas…Un marché dans un grand Oued, comme si dans les villes du nord, un souk dans une rivière, mais de toutes les manières, des crus il n y en a guère et même les cours d’eaux sont rares.
Cette ville administrative, qui suppléa progressivement Métameur, a une histoire très riche, sur toutes les périodes de l’activité humaine, avec des sites de Chichma, Maydher, Tejra, Souitir, Hassi Amor…pour le paléolithique et Gyktiss, Essnam, Gtaayet echih, Green, Nabch Edhib,…pour le Romain. Sans négliger le rôle fédérateur des ksars aux milles Ghorfa au médiéval, et qui avait aussi servit en école coranique, véritable tremplin pour des études ultérieurs à des centaines de jeunes locaux, entretenus par la bienfaisance et la solidarité populaire.
La longueur et la diversité de ce marché est aussi très attrayante et permet de grandes marches à la lèche-brocantes à zigzaguer de droite à gauche entre les stands en repérant les attroupements autour des produits étrangers ou les Toubibs traditionnels…ce qui me permettait de marcher pendant des heures sans la moindre fatigue ni la moindre monotonie. Pendant que je demandais à un jeune noir, un de nos ambassadeurs en France, le prix d’un escarbot…j’ai sursauté à l’oui d’un bruit venant de ma droite et pendant que je m’assurais de son origine, le jeune homme m’avait confirmé que c’était le croassement de grenouilles. Tout en lui disant, que je cherchais ce bruit vainement depuis trente ans au moins, j’ai commencé à chercher les batraciens dans l’eau qui jaillissait au milieu de l’oued et qui pourrait être aussi un rejet de d’eaux usagers…avec mon appareil photo à la main, sans que je puisse les trouver. Des femmes et des enfants, regardaient avec interrogation, ce vieillard à la chéchia rouge, en train de sautiller entre les flaques d’eau, avec patience et application…sans le courage d’en demander la cause. J’étais très déçu par ce désappointement, cette fausse alerte, ce faux rendez vous, avec les cris de vie des grenouilles, que j’attendais depuis toujours et pour toujours.
Plus loin, je suis tombé sur un vendeur de livres usagers et parait-il, comme partout dans notre bled, ce commerce est le moins florissant si on excepte les livres scolaires proposés dans une sorte d’échanges équitables formidables. Je lui ai donc acheté un bon paquet pour quelques dinars il était heureux, car dans les temps qui courent, rares sont les polyglottes et passionnés de lecture. Un petit dictionnaire, Hugo, Corneille, Racine, Tahaa Hcine, Anthropogéographie en Allemand, une dissertation sur la poésie arabe…je ne pouvais trouver mieux.
Tout en évitant les égorgeurs de poules grasses et sur alimentées…j’ai visité le marché de la volaille, des lapins, des pigeons, des Goundis… proposés par des paysannes endurcies par le soleil et la dureté de la vie…j’ai félicité certaines d’entre elles qui fournissaient de l’eau pour leurs animaux dans les petites cages et incita les autres à plus d’humanité surtout dans un climat aussi chaud et torride. Comme pour hérisson que j’avais acheté de ce même Souk pour le libérer, j’ai symboliquement marchandé avec un jeune sourd-muet pour l’acquisition de trois tortues qu’il étalait par terre au milieu d’enfants curieux…dont l’un m’avait aidé à les transporter jusqu’à ma voiture. Une autre migration animale amicale vers le littoral, ce que j’avais fait aussi pour des coqs et des poules sans le moindre sentiment de gain ou de profits, si ce n’est un accompagnement et une relation de partage des choses de la vie.
Puisque à dix heures, il fallait que j’assiste au congrès de la LTDH locale, dont je suis un nouveau membre, malgré ma longue histoire avec le militantisme humanitaire et autre, je suis allé dans les ruelles ascendantes de l’immense Ksar, entre les étalages de légumes, de fruits, de produits utilitaires traditionnels, à la recherche d’un cordonnier pour remettre en acceptabilité mes chaussures achetées aux fripes il y a dix mois. Taciturne, mais cordial, l’artisan me fit asseoir sur un grand filtre à huile qui aurait servi à un très grand engin…et commença à coudre à la main les endroits usés et badigeonna la paire avec un produit revigorant au cuir. En redescendant la vieille ville, j’ai passé voir un ancien ami vendeur de charbon, qui me fit une dissertation sur les avantages et les inconvénients des différents bois utilisés pour faire du charbon et que le bois d’olivier, reste le meilleur malgré les retombés de déboisage que cet arbre sacré risque.
Au congrès, comme toujours, au milieu des segmentations usuelles et durables, le corporatisme des partis politiques, des corps de métiers et des régions…je suis passé presque inaperçu malgré ma chéchia rouge et ma corpulence…sans que ça ne me dérange le moins du monde, à cause de mon positionnement en franc tireur, impartial et militant global insaisissable. Toutefois, la nouvelle équipe d’humanitaires, aura certainement, du pain sur la planche, du grain pour le moulin et des rivières de problèmes à gérer sur les frontières.
A cause de la chaleur que mes petites bêtes, mes nouvelles amies, les tortues, subissaient dans le coffre de ma voiture, j’ai dû écourter ma participation malgré le désir de participer aux discussions et repartis vers Zarzis, sur un fond de musique et de jubilation pour mes compagnons amphibies.
Lihidheb mohsen éco artiste
Médenine le 20.04.2014
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