mardi 31 octobre 2017

Portraits et sagesse 110

Habib Jahouach, de la famille de Aissa, une tribu des Lihidheb pastorale et quelques fois transhumante avant de devenir paysanne dans les oasis maritimes de Souihel, de Chammak et de Hassi jerbi. C’est à l’honneur de Si El Habib, que l’on parle de ses valeureux ancêtres, connus par leur endurance au travail, leur courage et leur force physique légendaire. C’était un oncle qui se battait contre une autre tribu avec un tronc d’arbre comme arme imbattable et transportait des « Khabia » très grandes jarres pleines d’eau pour irriguer les oliviers derrière la colline. Un autre oncle surpuissant, mangeait les poissons crus avec leurs écailles et partageait avec les chameaux leur bouffe, soit de l’orge et des noyaux de dattes cassés. Bien sur, ces qualités physiques, ne valaient rien sans le comportemental juste et la convivialité régulière avec tout le monde. Habib, n’avait pas ces qualités physiques, car de taille moyenne et ne manquait pas de jouir d’autres qualités aussi importantes. D’une famille modeste mais devenue relativement aisée par le travail de la terre et le traitement des dattiers, avec quelques moutons et comme il se doit, une charrette trainée par un mulet, des sorties périodiques pour la moisson à la Choucha ou El Wahmia et des oliviers plus que suffisantes pour assurer la consommation de l’année et de vendre le petit surplus d’huile d’olive. Moi, Boughmiga, voisin et cousin de Si El Habib, nous jouions depuis l’enfance entre les silos d’orge et de blé enfouis dans la terre après les avoir couvert de foin pour les préserver de l’humidité, nous allions paitre avec nos moutons sur la colline voisine, en grignotons, nous aussi les herbes comestibles et juteuses, nous faisions de l’escrime ou des compétitions de sauts pour chanter à la fin, à haute fois en mettant les mains sur la bouche et l’autre sur l’oreilles pour laisser un passage à l’amplification de la voix. Toutefois, malgré l’adresse de Boughmiga et sa perspicacité, Habib avait des avantages incroyables dans l’art et la connaissance des choses en général, au point de le voir transformer le tige d’une palme en un bateau multicolore, avec son mât, sa voile, son gouvernail et ses couleurs, pour le mettre ensuite de le ruisseau de l’irrigation artésienne et courir après en criant de joie. On se querellait aussi sur la santé de nos moutons respectifs, la bordure de nos terres mitoyennes ou on se disputait les maigres collations de zoumita, de dattes sèches, de figues sèches, qu’on mettait dans nos poches à l’intérieur de nos blouses rondes. Bien sur, avec le temps, notre sortie vers la mer, était foudroyante et libératrice car les jeux devenaient plus sérieux les bateaux devenaient plus grands. Boughmiga se rappelle bien quand on nous annonça l’entrée à l’école et stupéfaits, on devait mettre des chaussures fraichement achetées et avoir une ardoise et de la craie. Pour l’écriture avec les plumes, malgré nos six ans, on ne savait même pas comment ternir cet engin mystérieux. Toutefois, parait il, il n y a plus de la « falga » correction sur les plantes des pieds dans l’école coranique de la mosquée, mais c’était faux car elle était encore présente avec moins de fréquence. Comme l’obéissance était de rigueur dans les écoles de l’esprit religieux, elle l’était aussi monstrueuse dans les institutions de formation et de formatage collectif. Heureusement, qu’il y avait l’oasis et surtout la mer, pour se libérer de ses dictatures sociales et impardonnables. Avec l’arrivée du tourisme, Habib, avait son cheval, ses longs cheveux et sa force de jeunesse en plus de sa gaieté naturelle. Un tableau chevaleresque, effective, intégrée, qu’Alexandre le grand et les chevaliers Tatars envieraient certainement. Pendant que Boughmiga s’enfonça stoïquement dans les internats des écoles, Habib, s’en alla vers le nord, à la conquête du monde où il passa quelques années en France. Logiquement, vue sa carrière authentique et locale, il ne pouvait se détacher pour longtemps de ses origines et revint après quelques années au village où il fit consécutivement, le chauffeur, le conducteur de tracteurs pour des travaux agricoles, le forgeron, le chauffeur de taxi…et quelques fois à titre gratuit, le muezzin du village. Un périple de vie, qui permit à Habib, de devenir l’ami de tout le monde, avec une connaissance profonde de toutes les régions, de tout le monde, de toutes les parcelles d’oliviers, de toutes les maisons, de toutes les attaches relationnelles entre les familles, de toutes les rues, de toutes les particularités de chaque personne et chaque famille, au point de voir certains le proposer pour devenir « Omda » chef secteur officiel, ce qui était en contradiction avec ses valeurs humaines et justes. Pendant qu’il faisait le chauffeur de taxi, il lui arrivait de prendre les vieilles personnes à leur destination sans prendre le sou avec des souhaits de bonne santé et de longue vie. Avec la gaité et la joie de vivre, une parle facile et torrentielle, un caractère foncièrement amical et une activité constante, Habib était aussi un très bon croyant qui garda la religion humaniste de nos ancêtres au point de le voir dans les occasions théologiques. Dans ce contexte, il était très célèbre dans tout Zarzis, pour avoir gardé la tradition de chanter les cantiques religieux le soir des décès dans un climat de compassion et de convivialité merveilleux. Souvent, il était quémandé pour participer à une veillée à Chammakh, Hassi Jerbi, Ogla ou El Mouensa. Bien sur, des courants nouveaux, voulaient déconstruire cette belle tradtion religieuse locale et Habib, ne fait que résister jusqu’au bout, pour satisfaire ses convictions et répondre à la mémoire de nos valeureux ancêtres. Que Habib, reste Habib, ami bien aimé et que Dieu lui assure une longue vie et une bonne santé. Lihidheb Mohsen Zarzis 31.10.17

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