vendredi 6 novembre 2015

Tataouine, reconquista.

Cette fois, juste en sortant de l’oasis ou ce qu’il en était encore dans le village de Rogba vers la ville de Tataouine, j’ai subitement viré à droite, sans la moindre pensée ou décision au préalable. Heureusement la route était goudronné et j’ai longé les habitations jusqu’à la mosquée du Saint des Jlidat, Sidi Boujlida en face du village montagnard et du ksar de Béni Barka. J’ai continué cahin cahan aux abords d’un grand oued pris entre deux chaines de grandes collines. Les habitations se raréfiaient et malgré la chaleur quelques hommes s’allongeaient sur les talus de sable à coté de la route. J’allais leur demander ce qu’ils faisaient dans ces endroits arides qui devenaient invivables pendant les grands sirocco de chaque été, mais, je n’avais pas voulu les offensés par les remarques gratuites d’un curieux venant des oasis maritimes et de la fraicheur. C’était la fameuse région de Maztouria et son rôle dans les péripéties de l’histoire de la région, un parcours qui revient des profondeurs de la mémoire, que Boughmiga avait fait à pieds avec d’autres jeunes, attrapant à droite et à gauche du Goundi, sur les cimes des montagnes. Bien sur, chaque fois que le long vallon, souvent irrigués par des puis de surface, permettait la culture et quelques palmiers, les gens s’agglutinaient autour des dizaines de mosquées du trajet. Ne sachant où aller, de hameaux en ghetto tribal, en village rural, rencontrant quelques hommes et parfois des filles manipulant le portable bluffant comme partout pour contourner leur solitude et leur éventuelle vulnérabilité, je suis parvenu à une bifurcation et une enseigne indiquant une ascension au Ksar Ould Soltane. K.O.S. pour ne pas la confondre avec celle Zarzis de Ksar Ouled Said, était une abréviation postale que Boughmiga utilisait pendant son travail dans la capitale du sud saharien. Tout en haut, sur la place, entre un petit café et une mosquée et un minaret montant encore plus vers le ciel malgré la hauteur, Boughmiga, n’avait pas vu le fameux ksar et dut se renseigner auprès des jeunes désœuvrés. Dans cette altitude, il faisait assez frais et seul, il entreprit une visite minutieuse, avec son appareil photo à la main, aux aguets de la moindre prise panoramique comme un touriste nippon, prenant l’édifice par touts les angles et les positions. Il avait l’impression d’avoir déjà visité l’endroit dans un voyage associatif organisé, et constata combien la différence était énorme, quand on remarque par soit même l’œuvre de nos ancêtres, déterminés à survivre et dominer la région. Le ksar était coincé au bout d’une montagne, avec un seul accès donnant sur une cour entourée de hautes Ghorfas et une grande porte ouvrait sur une autre place entourée de plusieurs étages. Quelques petits palmiers, redonnaient à l’endroit, la verdure de la quiétude et de la satisfaction. La construction était très belle et malgré sa restauration, elle reste authentique et devrait avoir été très utile aux tribus pour l’entrepôt de leurs produits agricoles et même pour l’auto défense pendant les attaques et les razzias. Boughmiga était effectivement impressionné par l’architecture, l’exploitation des espaces, les étages superposés et hautins, consolidés ça et là par des poutres de troncs de palmiers et des branches solides d’oliviers, avec une similitude nette avec les Ksars de montagne de Nalout en Lybie que Boughmiga avait bien visitée. Heureusement, cette visite fut faite en temps de paix, pendant qu’il n y avait plus de guéguerre, ni de razzias inter tribales, ni susceptibilité locale, ni même les hordes de touristes de masse. Pourtant quelques jeunes m’avaient protesté le manque de visiteurs et depuis la récession du tourisme, ils n’avaient eu que la visite d’un groupe de chinois il y a une semaine. Boughmiga leur avait dit que désormais il faudrait faire avec cette nouvelle situation et les touristes d’où qu’ils viennent restent toujours des amis, tout en insistant sur la vulgarisation de cet endroit magnifique aux établissements scolaires nationaux, les associations sociales et la société civile. Il avait aussi notifié ses remarques au gérant du seul café et le président de l’association locale du patrimoine, rencontré plus loin, ainsi que la nécessité de faire une campagne de propreté pour les quelques déchets remarqués dans les Ghorfas du ksar. D’ailleurs, nos ancêtres l’avaient construit pour la maitrise et la gestion de la consommation, la sécurité et non pour le consumérisme galopant en vigueur. En faisant le chemin du retour, je n’ai pu accéder au village montagnard, de Béni Barka, niché dans la haute colline comme un nid d’aigle, mais pu passer par la mosquée de Sidi Boujlida. Dommage, ce lieu saint d’une très grande tribu de la Djeffara, n’est plus le même, entaché par de nouvelles constructions, de bétonnage et d’esthétisme moderne et insignifiant. Par respect et n’étant pas sur de la condition d’hygiène nécessaire à l’accès dans un lieu saint, j’ai visité le cimetière de derrière tout en lisant au préalable des sourates de paix, de salutation et de compassions aux défunts. Avec de rares constructions des tombeaux, quelques noms similaires revenaient à des familles connus de cette ethnie généralement pieuse et nullement guerrière. La moyenne des notifications portait des âges allant de 1910 à 1980 avec des noms familiers et redondants. Entretemps, Boughmiga trouva ça et là des pièces blanches de jeu de domino qu’il ramassa suspectant un acte d’une éventuelle sorcellerie ou une probable prémonition, mais adviendra que pourra, il assuma qu’il y a de tout dans le monde. Deux enfants étaient venus l’accoster sur le lieu saint et avec ses conseils de souhaits de bonne scolarité leur donna une pièce de monnaie trouvée sur une tombe et leur en donna d’autres pendant que leur mère les interpellait du dessus du mur mitoyen. Une belle visite de respect à l’endroit, rappelant celle que Boughmiga avait faite il y a quarante ans, quand il jouait à tambouriné sur le Bendir dans le rituel de danse rituelle et thérapeutique, participant au groupe animant la musique mystique ritualiste et hebdomadaire. Les fidèles de ce Saint, croient toujours qu’il avait détourné les canons des mécréants pendant la colonisation et sa baraka reste toujours une protection et un totem d’invulnérabilité. Arrivant dans la ville de Tataouine, Boughmiga était surpris de voir le bâtiment de la poste, toujours en reconstruction depuis trente années, quand on avait démoli sans raison le complexe postal centenaire. Cet endroit, où il était arrivé il y a de décennies, venant du littoral de Zarzis, ayant les cheveux comme celles d’un hérisson en colère, les idées libérales et contestataires et la démarche toujours prête à en découdre. Un greffage comportemental et un forcing social, réussie grâce à la constance et la tête dure de l’un et la sagesse et la tolérance des autres. Cette sagesse, qui l’avait aussi sauvé des « dirty tricks » de la dictature et la complaisance des politicards, quand de bonnes personnes intervenaient en sa faveur. Toutefois, Boughmiga passa par là, garda sa différence pendant cinq ans à l’endroit et voilà, il revenait rendre hommage au Watan et s’arrêter devant les familiers d’autre fois. Comme dans toutes les villes du sud, les voitures étaient plus nombreuses que les gens et le déplacement n’était pas facile. Plusieurs restaurants, où j’avais mangé avec les jeunes braves Tataouiniens, ont été transformés en café modernes ou des grands surfaces d’électroménagers. Seul, un restaurateur et hôtelier, s’était rappelé de son ancienne condition malgré le fait qu’il avait opté pour un café moderne, insista pour m’offrir à boire, mais Boughmiga n’avait pas le temps. C’était le vendeur de casse croûte, dans une boutique directement sur la rue partant de la poste, qui était toujours en place depuis quarante ans. Fameux pour le piment vert grillé qu’il ajoutait au pain, il faisait toujours la même chose, sans confirmer ni demander qu’il était encore la même personne. Une collation de la pause de dix heures du matin, que je venais prendre chaque jour du travail à la poste et j’accompagnais par une corne de gazelle chaque jeudi, pour soi disant, maîtriser le taux de diabète. Une attitude pour limiter le taux de sucre dans le sang, qui avait réussie jusqu’à l’âge de soixante ans. J’étais un peu surpris de voir l’ancien marché aux légumes et fruits transformé en souk artisanal, un endroit désert, surtout avec l’absence de touristes. Une jeune fille tenant l’une des boutiques, était étonnée de rencontrer un Akkari de Zarzis, une région qu’elle ne connaissait pas et crois que ses habitants sont des gens difficiles. Lors de la discussion, il s’était avéré que le préjugé était du à la renommé d’une certaine famille de « faiseurs de miracles » surtout dans les affaires matrimoniales, ce qui était absolument faux et Boughmiga lui démontra le vraie courage et bravoure d’un Akkari. Les formules d’ensorcellement, de suggestion, de hallucination, de postions…ne prenait qu’auprès des gens qui étaient disposés à ces effets. Elle n’avait pas bien compris l’insinuation et l’allusion, heureusement. Sortant juste d’un accident vasculaire cérébral, Boughmiga devait revisiter les endroits de sa jeunesse, payer un respect légitime aux gens et rendre hommage à cette ville mystique. Il visita une famille qu’il avait bien fréquenté pendant ses débuts et le maître de la maison le reconnu difficilement tant le temps et la transformation furent leur effet. Bien sur, on ne pouvait rentrer de cette ville, sans acheter sa fameuse pâtisserie, les cornes de gazelles, reconnue dans le monde entier, pour sa pâte d’amende et son miel ruisselant. Et Boughmiga, casqua une bonne partie de sa retraite, pour satisfaire ses parents, ses beau parents, sa fille, la femme de son fils….et distribuer ainsi, la sagesse et la baraqua de cette ville Watan, « La patrie ». Lihidheb Mohsen éco artiste Zarzis 25.10.2015

1 commentaire: