mercredi 20 juin 2018

Quand la nature sauve son paradis.

Quand la nature sauve son paradis. Il fait désormais chaud au milieu du mois de juin, à Zarzis, sur le littoral sud est de la Tunisie, malgré que nous avons eu un bon climat tout au long du mois de Ramadan, mois de jeûne et de recueillement, ce qui poussa Boughmiga à réduire drastiquement ses sorties vers la mer ou vers les sites et stations historiques découvertes au fil des randonnées. Toutefois, il trouve toujours une issue et un chemin à défricher, comme cette fois quand il faisait frais et nuageux et les touristes, en majorités des Russes sortaient au village, à errer à l’aveuglette, sans comprendre grand-chose du bled et ses habitants, alors Boughmiga eu l’idée de proposer son « musée » espace écologique et artistique mémoire de la mer et de l’homme, à visiter et donner ainsi à ces visiteurs potentiels un produit touristique insolite, intellectuel et humain. Pour cela, il fit le tour des hôtels de la région un à un, où il fut bien reçu chez quelques uns, d’autres juste pour la forme et la bienséance, certains avec une animosité criante dés le contact avec le gardien du portail, pendant que quelques uns étaient formidables, malgré le fait, que voilà deux semaines depuis, no body came, personne n’est venu, nada, pourtant, j’avais bien affiché le tarif de l’entrée au musée, « gratuit, gratis, free, bellouchi… » et il suffirait de voir le monde autrement, de réfléchir sur la condition humaine et admettre, que nous autres aussi, les paysans du Sahara, avons une éthique de vie et une vision juste et équitable des difficultés humaines. Depuis, j’ai ouvert l’espace pour prendre l’air et puisque personne ne venait, je passais mon temps à lire des livres, ponctuée par des marches en huit entre le local couvert et le plein air artistique et ce, après chaque deux pages de lecture ou des gestes mécaniques de musculation et ainsi de suite pendant deux heures au moins, pour aller ensuite au café proche, à jongler les parties blitz de jeu d’échecs. Alors de l’Hemingway, de l’Updike en allemand, du Dostoïevski, du Musil…visitèrent les tréfonds de mes espaces et les plaisirs de mes fantaisies et honorèrent l’espace mémoire de la mer et de l’homme par leurs passages même fictifs. Malgré le manque de visites, j’avais trouvé ce rythme agréable et entre la lecture, le café, le sport, les acquis artistiques, les souks, le net et la pétanque, il ne pouvait y avoir de mieux, mais, avant-hier, mon fils m’avait sommé d’aller présenter ma voiture au garagiste de l’autre bout de la région, afin de la préparer à la visite technique. Il faut bien obéir quelques fois, gérer les imprévus et les ordres convenus et vers huit heures et demi de ce jour là, il m’a fallut déposer la tire au garage de la route de Djerba, pour couper à pieds à travers ruelles et champs vers l’est, vers la mer, vers Souihel. J’ai longé les quelques arbres et m’arrêtais à photographier les monticules de déchets, dans les cartiers chics en profitant de petites poses sous l’ombre des constructions verticales. Choisissant un raccourci pourtant goudronné, comme l’autre fois à un autre niveau de la colline plus au sud, le passage se terminait et finissait en impasses et desservait uniquement les quelques maisons sur les bords des collines. Sans la moindre signalisation de prévention, il m’avait fallu à chaque fois, revenir et chercher d’autre passages, pour finir avec une petite ouverture, entre deux maisons, submergée de déchets et qui ouvrait directement sur le vallée descendant vers le village et la mer. Une descente abrupte, qui m’obligea à descendre doucement pour ne pas glisser sur les graviers et les monticules d’argile glissants. Quelques sentiers de piétons d’humains et d’animaux étaient visibles et je suivais les plus utilisés malgré le fait que les traces étaient exclusivement celles de chiens errants. Même sur les terrains vagues, les empreintes de leurs jeux ou les trous à même les haies et le sable, cherchant la fraicheur, étaient visibles et fréquents. Avec la chaleur de plus en plus forte, je constatais le relief et les pierres à la recherche, comme d’habitude, des traces de l’homme primitif, quand j’ai remarqué une colonne de grandes pierres parallèles plantés dans la terre à un intervalle de quarante centimètres et sur une vingtaine de mètres de long. Une construction surement humaine qui aurait certainement quelques milliers d’années, sans pouvoir comprendre sa raison d’être surtout quand elle allait en oblique comme une tangente sur le flan de la colline. Cette même manifestation humaine ancienne, qui équivaudrait aux menhirs, avait été constaté par Boughmiga à plusieurs endroits dont, le bout nord de Saguit Sola sur une cinquantaine de mètres, au site historique de Ziane sur trois kilomètres sur une ligne longitudinale allant jusqu’à la ferme coloniale Geaufreteau et plusieurs lignes similaires et constructions sur le flan de la colline de Ras Dhahra avec une netteté déconcertante et un vestige historique monumental. Avec cette découverte majeure, j’avais continué progressivement, à contourner les figuiers à la recherche sans succès du « hirguil » des figues précoces et à sillonner les terres susceptibles d’avoir abrité autrefois l’activité humaine. En effet, au milieu d’un terrain élevé avec un léger brûlis et parmi des pierres, j’ai trouvé une roche avec un revêtement ancien de gypse mélangé à un granulé de poterie, en plus d’une pierre naturellement lisse avec des cassures et une partie de la surface très polie. Descendant de plus en plus, montant et remontant les vallées, stupéfait par le naturel du paysage, où seuls les traces de chiens sauvages prédominait, il n y avait pas de pollution à part celle prés des maisons des collines limites, certainement à cause de l’impossibilité d’accès mécaniques à ces endroits isolés et paradisiaques. Bien sur, les dégâts des bulldozers étaient visibles pour créer un accès, pour défricher un terrain, pour la construction ou pour faire un barrage de sable pour la rétention des eaux de pluies. Entre des sillons d’argile déplacée, j’ai pu trouver des ossements effrités et qui paraissaient très anciennes. J’étais impressionné par de petits palmiers juste à coté d’une colline et les pris en photo comme si je voulais les fixer définitivement dans mon mouvement éco artistique et les extraire d’une dégradation irrévocable. Tout de suite après, dans un terrain fraichement labouré, j’ai trouvé l’objet le plus important de cette cavalcade tout terrain, que j’avais vu de loin malgré sa petite taille. C’était un bout d’éclat d’œuf d’autruche, qui avait toujours accompagné les traces des hommes primitifs avec le silex et les coquillages. Cette fois c’était juste cette trouvaille, qui n’était pas espéré, et qui dénote du passage, aussi peu fréquent était il, de mes ancêtres dans mon village. A deux reprises des chiens furent surpris et aboyèrent pour le principe dans ma direction, pendant que de petits enfants, un peu loin, étaient descendus des maisons de la colline pour jouer sur les sables fins de l’oued. J’ai commencé à sentir de la fatigue surtout lors des deux dernières ascensions de colline pour parvenir à la fin à un marabout au milieu d’un cimetière ancien. Le paysage était très beau et l’édifice ouvrait directement sur la mer, au dessus d’un flanc de la colline surplombant l’oasis maritime de Souihel. AU milieu de broussailles sèches, j’ai parcouru les noms des inscriptions sur les tombes et j’ai reconnu quelques uns dont certains par oui dire. Derrière la construction maraboutique, à l’ombre, sur une surélevèrent de la surface de recueillement et de collecte de l’eau de pluie pour le citerne, je suis resté un moment à contempler le paysage ouest, de la colline et les figuiers, palmiers, amandiers et anciens cours d’eau. J’ai honoré l’endroit par une prière à la mémoire des morts et aussi les Meddeb de l’école coranique qui s’étaient certainement assis en cet endroit, le matin à donner des leçons aux enfants des pauvres paysans. A part les maisons, ces intrusions grotesques, le paysage aurait été toujours le même et les figuiers et autres arbres fruitiers, étaient très revendiqués sur un périmètre de quelques kilomètres autour des marabouts et mosquées. Une attitude écologique, qui permettait aux fidèles de se nourrir et à préserver les arbres des labours et de la voracité des caprins. Pendant que je m’asseyais, bien derrière le marabout, un oiseau migrateur, passa juste au dessus de ma tête, et combien fut ma joie car depuis un certain temps je m’extasiais à dénombrer leurs passages et écouter leurs cris longeant la colline de Souihel. Maintenant, je sais globalement le rythme de leurs passages diurne et calculais souvent leurs discontinuités, et les distances entre leurs poses sur les marais d’Ejdaria et celles Oglet Amor. Je sais aussi les endroits de leurs passages obliques à travers le presqu’île de Zarzis, de Rouiss, pour passer au dessus des Ras Dhahra « Miladi », puis vers la route Djerba « El Aref », puis comme on vient de le voir au dessus du Marabout, pour longer ensuite la colline parallèlement mitoyenne avec l’oasis et la mer jusqu’aux régions humides entre Zarzis et Djerba. Sortant de ma turpitude, j’ai contourné et visité l’édifice à la pointe de mes pieds, pour constater des tombes sur la terrasse et deux portes ouvertes des trois Ghorfas qui contenaient aussi des tombeaux avec des inscriptions familiales. Malgré l’ouverture du cimetière à toute une tribu, comme partout à Zarzis avec sa cinquantaine de lieux d’enterrements et qui est l’unique à avoir depuis longtemps, un pour les chrétiens, un pour les juifs et plusieurs pour les musulmans, le nom d’une famille prédominait et il parait que l’endroit était leur donation ancestrale aux gens tout en y joignant l’école coranique aux enfants. Comme pour les marabouts, à savoir Sidi Sayeh, Sidi Ali Ben Abid, Sidi Jmour, Sidi Khleyf, Sidi Zarzis et El Ghriba, qu’il fallait créer s’ils n’existaient pas, les cimetières aussi étaient des identifiants sociaux donnant aux différentes tribus des référentiels fédérateurs et légitimistes et un droit de regard sur les propriétés et le respect des différences. Une situation relativement différente de celle de certaines zones de Djerba, où certains avaient appelé leurs descendants de les enterrer à même la propriété afin de prévenir la vente de celle-ci ou les risques de la concéder d’une façon ou une autre à autrui. Malgré le fait qu’elles reviennent désormais à la commune, qui n’a pas encore gérer ses espaces car on voit encore des alignements tribaux sur des cimetières bien déterminés alors qu’il y a d’autres plus proches. Le fait se pose aussi, pour l’enterrement des émigrés clandestins, dont plusieurs sont d’origine africaine, parmi lesquels un bon nombre avait été inhumé à coté des musulmans avant que les espaces ne deviennent très réduits. Pour honorer touts les morts et à cette occasion, il y a lieu de signaler la nécessité d’acquisition de terrain pour un nouveau cimetière d’urgence pour les inconnus et avoir ainsi des repaires scientifiques, plus de dignité humaine et une responsabilité légale et civile obligatoires. Ainsi, très fatigué, avec la chaleur, j’ai terminé ce parcours de marche dure « hard training » de six kilomètres au moins, pour parvenir de nouveau à mon quartier Béni Ftaiel, sous les regards interrogateurs des gens assis çà et là, sur les terrasses des cafés du désœuvrement. Je savais cette fois, pourquoi j’étais heureux et optimiste, en constatant ses régions sauvages et encore loin de la main des hommes « destructiss ». Une bande de terre allant sur une quinzaine de kilomètres, située entre les habitations de la colline et celles de l’oasis et sauvée par son aspect accidenté et difficile à accéder. En effet, à partir des vergers de Ziane, de Ras Dhahra, des Mcharkia, de Ksar Zaouïa, d’Oued Abdennebi, des Dhawi, des Dziri, des Maatig, des Msallmin, de l’oued Hlayel, de l’oued Jilani Bouali, d’El Hellou, de Saguit Sola, d’Oued Ezzitoun, des Knis, des Gdiri, des Ben Aouida, des Khenissi, des Khammar, des Greb, des Jalouali...une série d’espaces paradisiaques, de figuiers, de vignobles, d’amandiers, de pommiers et de palmiers, qui restent encore malgré l’homme moderne dévastateur et irresponsable. Paradoxalement, Boughmiga se rappelle bien quand dans les années quatre vingt, il avait appelé lors d’une réunion publique à la maire, de ne plus construire dans la palmeraie de Souihel et d’investir la colline par des concentrations urbaines à chaque trois kilomètres, sans trouver le moindre écoute ou le moindre intérêt à sa proposition. Une situation où la colline fut sacrifiée au profit du bétonnage, l’oasis aussi malheureusement et seule cette bande de verger reste encore écologiquement et humainement « viable », Dieu merci.Voilà donc, une invitation expresse pour visiter, partager et s'établir dans mes espaces, de bonheur de gratitude et d'amour de vivre. Lihidheb Mohsen 19.06.18

1 commentaire:

  1. Bonjour
    C’est un texte magnifiquement bien écrit très émouvant
    J’aime cette description de la terre tous ces détails qui me rappellent la Tunisie, mon pays de cœur
    À bientôt 👋

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