lundi 16 décembre 2013
Douz, El Faouar et les autres.
Profitant d’une accalmie et d’une trêve de la tempête furtive des projections consécutives et des bombardements de gros canons sur les écrans des journées du film documentaire DDD comme dromadaire…, mon ami m’a invité à me soustraire de mes confrères pour aller faire une visite à un endroit agressé par les trafiquants de sable, transformant un site historique en carrière à coups de bulldozers à cuillères. Naviguant dans la direction du soleil couchant, à travers un oasis dense, une sorte de jungle fraiche dans un désert de sable et de vide….un endroit sauvé de l’assèchement radical pour une abriter une vie animale et végétale féérique. La piste assez longue, traversée par les bosses des canaux d’irrigation qui passent en dessous, nous livra enfin sur une clairière où un monticule de terre dont les deux cinquièmes ont été bouffés par les camions, découvrant des murs encore debout, de bout en bout, du carottage de l’extraction criminelle. Des murs d’une grande construction ancienne remontant au moins à deux dizaines de siècles, résistant au temps dans les dunes hors de la portée de l’homme destructis…qui ne se soucie plus du patrimoine et des richesses millénaires de son bled. Sous les constructions, il y avait au moins trois strates épais de couches de terre brulée et de traces humaines….qui donneraient au site une ancienneté approximative de cinquante mille ans au moins. Des tas d’ossements jonchaient la place sur toute la hauteur des décombres et malgré l’obscurité envahissante, nous avons pu dégoter des morceaux de silex, un couvercle taillé de pierre tendre, des anses, des tessons, un os poli et des bris de monnaies. En effet, Tarfaya de Douz, ce monticule de terre rayonnant sur sa périphérie verte, résume l’histoire de l’humanité depuis toujours, depuis l’apprentissage à la maitrise du feu, jusqu’à la période des années soixante dix quand mon ami Hédi, se baignait dans les eaux de la source en se laissant glisser dans les canaux souterrains desservants les champs….et jusqu’à malheureusement, l’arrivée des machines du carnage et de l’anthropophagie sauvage de l’histoire.
Entre temps, avec mes oreilles de Fennec, grâce aux palabres et salamalec, j’ai cru savoir que les monticules de sable que j’avais vu dans l’un des films projetés, se trouvent après la ville d’El Faouar en direction de Rjim Maatoug et très tôt le matin, j’ai traversé les dunes et les oasis, à grande vitesse avec un fond de musique tapageuse et euphorisante, comme il se doit pour un (re)conquistador des espaces meurtris par la déchéance du comportemental « moderne ». Il me fallait sortir de la route et prendre une piste sur un immense lac salé, et dans une sensation de vide et de flottement inquiet mais excitent et agréable, j’ai roulé quand même au niveau des géants camions pétroliers mastodontes que je doublais allégrement, comme un lièvre devant un éléphant. Malgré les signes amicaux mais interrogatifs des chauffeurs, j’avais froids au dos, par cette démesure des espaces, de la violence inhérente et en surface…. Sur place, au milieu de nulle part, les mottes de terre étaient les restes de dunes de sable géantes, que le vent avait soufflées et dont seules les parties intérieures compactés ont résisté.
Sur le chemin du retour, j’étais surpris de voire deux silhouette de palmiers au milieu de ma route, que je n’avais pas constaté à l’aller, mais en m’approchant et voyant leur mouvement amplifiée par l’effet du mirage, j’ai réalisé que c’était des hommes, deux ouvriers du pétrole qui cherchent à joindre la route principale. Bien sur, je les avais pris en stop et l’un deux m’avait accompagné jusqu’aux alentours d’El Faouar, pour me livrer à un autre de ses connaissances afin d’acquérir des dattes pour mes enfants. Et de champs, en champs, à la recherche du bon, l’endroit était agréable et les gens très accueillants, au point de faire monter les ouvriers au palmier pour me servir des dattes Ennour gratuitement. J’ai beau juré pour payer, mais rien à faire, tant que je ne suis pas commerçant et c’est juste pour la consommation, c’est bon.
En rentrant vers Douz, j’ai fait un raccourci pour me trouver perdu dans les ruelles sinieuses entre les murs de palmes et les canaux d’eau et ce n’était que grâce à deux enfants-ouvriers agricoles que j’avais pris en stop, que je suis sorti sur un village appelé El Golaa, la Forteresse, the Castle, der Schloss, El Castillo….où j’ai remarqué tout de suite un grand monticule en parti excavé au dessus duquel une belle mosquée domine l’oasis. Je me suis arrêté, et prospecta l’endroit qui avait les mêmes caractéristiques que Tarfaya de Douz, sauf qu’ici, l’endroit est investi par l’urbanisation. En plus des murs de constructions anciennes, des ossements épars, le silex, j’y ai trouvé un morceau de tesson de poterie portant une belle décoration noire.
Plus tard, j’ai su qu’à quelques dizaines de mètres, il y avait au milieu des constructions modernes, des ruines romaines découvertes lors des travaux pour l’extension d’une route. Ainsi, El Golaa de Douz, comme Tarfaya de Douz, ont bien mérité leurs noms, de forteresses grandioses, sauvegardant le patrimoine commun de l’humanité.
Lihidheb mohsen éco artiste 11.11.2013
(Douz Boughmiga Days 2)
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