jeudi 15 janvier 2015

Un Bazar dans la mémoire.

Depuis les années soixante dix du siècle dernier, les coopérants Européens et Yankee, affectés à Zarzis, tout en ayant greffé notre savoir, ce qui mérite notre reconnaissance et nos égards, avaient aussi nettoyé les tiroirs historiques du terroir…et entre l’infamie et la gloire, l’envie et le devoir, la mise en relief et l’imposture, il va falloir laisser à chacun le droit d’expliciter ses déboires et justifier son vol à l’arraché, au vu de notre regard et au su de notre mémoire. En effet, au début, certains de nos professeurs, coopérants européens…, qui, malgré leurs performances pédagogiques et académiques, demandaient aussi des taches extra scolaires, dont certaines étaient innocentes comme avec les jeunes Américains qui se limitaient à se faire inviter pour un couscous chez touts les parents des élèves, pendant que pour les autres c’était, fournir des grenouilles aux canards de Monsieur G…ou lui apporter des pièces Romaines anciennes du site de Zien…comme l’avait revendiqué aussi Monsieur D…., et ce, en contrepartie de notes de bonne conduite. Plusieurs élèves subirent ce dictat et cet arbitraire, coincés entre le devoir d’obéissance, la note scolaire qui fixait le destin de chacun et l’angoisse de la punition scolaire et parentale en cas de protestation. Seul, un prof d’Anglais Palestinien, s’était révolté en nous incitant à mettre fin à ces pratiques incongrues et dégradantes. Depuis cette période, le site de Zien, a subit des compagnes journalières de collectes de pièces de monnaies anciennes et les gens, y compris des touristes, y allaient en groupes, en calèches, à bicyclettes, comme pour aller à la collecte des olives. Des expéditions, entre élèves et professeurs, se faisaient aussi pendant les weekends, vers les sites historiques de Bouhamed, sans pour autant avoir quelque chose avec les programmes scolaires, les sorties au titre des sciences naturelles ou la sauvegarde du patrimoine universel. Pour l’information, ce site Romain, Zien, Zitha, malgré ses vestiges enfouis dans le sable sous des monticules d’une dizaines de mètres, avait fourni aux « chasseurs-cueilleurs » du patrimoine au moins vingt milles pièces anciennes, dont certaines, d’après de témoins vivant sur place, auraient été en or. Cette numismatique était disponible uniquement, sur un espace de terrain ne dépassant pas les cinq cents mètres carrés, complètement ratissé, de fond en comble, au point que sur la trentaine de mes visites au site, pour sauver ce qui pouvait l’être encore à la surface, je ne suis tombé que sur deux pauvres petites monnaies délavées. Il parait que c’était une sorte de banque de dépôt, concentrant les recettes de la vente du vin et de l’huile d’olive aux caboteurs. Ainsi, en plus des sculptures et des statues enlevées par le protectorat au site, voilà encore, les restes de cette activité humaine qui se sont volatilisées et dispersées dans le monde, sans que personne ne prenne la peine de les référer au patrimoine de Zarzis ou en donner une lecture historique édifiante. C’était dans cet état d’esprit, que la rage au cœur, j’ai entrepris d’essayer de sauver ce qui pouvait l’être encore dans le sud Tunisien, des destructions humaines, des labours, de l’urbanisation, des touristes, des curieux, des amateurs et des pirates….et après cinq ans de « full action », je suis très satisfait des mes constats, surtout quand, dans certains endroits, j’avais devancés de justesse, les bulldozers et les destructeurs terrassiers niveleurs. Des constats, qui permirent l’identification de deux cents sites et stations dont la moitié, peuvent faire l’objet d’un musée chacune, par l’excellence et la richesse lithique de la préhistoire dans la région. Un travail personnel, passionnel et sincère, qui avait permis aussi à une chercheuse du patrimoine national, de confirmer et situer certains de ces sites et stations préhistoriques. A partir d’une autre perspective, quand le carburant était abordable et je me permettais d’aller au marché de Médenine, pour un bain de foule et acheter ce que je pouvais en produits anciens pour mon « musée », cet espace éco artistique, mis en quarantaine par les dictatures et en cinquantaine par ceux qui suivirent. Il m’arrivait donc de faire des détours dans les Ghorfa des Ksars centenaires de Médenine et visitais les Bazars touristiques où je rachetais les belles pièces de silex à condition de m’en situer la provenance, pour faciliter une lecture éventuelle des mouvements de nos premiers ancêtres. En effet, dans les boutiques-Ghorfa, qui descendent dans la terre, pour en cueilleur la chaleur et la fraicheur selon la saison, j’ai découvert de véritables trésors, pendus au toit et déposés les uns contre les autres dans un tapis de mémoires, de couleurs, de lumières et d’art. Tout en marchandant les quelques pièces que j’avais choisi, sachant que je me ferais arnaquer de toutes les façons, j’ai profité de ces palabres pour puiser dans la mémoire du Bazar-man, digne des personnages des contes d’Aladin et des milles nuits…blanches. « Pour les têtes d’armures en silex, j’en ai vendu plusieurs centaines, surtout aux Italiens, qui en raffolent. Ces trouvailles me parvenaient des alentours immédiats et surtout des travailleurs au champ pétrolier d’El Borma dans le désert Tunisien prés de la frontière Algérienne. A des moments, il y avait aussi des marchands qui faisaient la porte à porte des Bazars de la région touristique, pour vendre en gros le silex taillé provenant du désert de Douz. Quelques fois, des pièces en or, parvenaient aussi d’une ville du sud, avec divers articles de dévotion antique et pierres précieuses. Les dernières années, j’ai pris l’habitude d’aller auprès des villages montagnards, pour fouiner chez les pauvres paysans, les restes des objets anciens, et ce n’est pas toujours facile et il me fallait souvent insister à plusieurs reprises. Cette partie des ksars, consacrée au tourisme, a été conçue et exploitée par les coopérants étrangers de l’après indépendance, qui s’y réunissaient chaque dimanche venant même de Gabés, Djerba et Zarzis, pour une sorte de foire d’échanges et d’acquisitions des pièces antiques. Le « commerce » était tel, au point d’avoir ouvert un café, pour couvrir ce trafic et se réunir dans la légalité. Paradoxalement, cette attitude controversée, avait servi à créer un petit pôle touristique, par l’activité hebdomadaire et par l’attrait du plus grand complexe Ksarien du monde. Voilà, j’y suis, j’y ai travaillé et fait fortune, mais je regrette beaucoup, certaines pièces uniques, vendus bêtement aux touristes. » A un moment, le Bazar-man, s’est aperçu de sons excès de franchise, surtout quand je l’amenais à parler des diverses facettes de son activité, mais, puisque je suis un bon client, surtout dans cette période de récession…on sympathisa allégrement, tout en navigant dans la mémoire du Bazar et le Bazar chaotique de notre mémoire. Lihidheb Mohsen éco artiste Zarzis 15.01.2015

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire