lundi 9 juillet 2018

Luminosité et obscurantisme

Au milieu des années soixante, il n y avait pas de lumières artificielles, la nature faisait bien les choses et même, on se brulait les boucles de cheveux en se penchant sur les lampes à pétrole pour préparer ses devoirs de l’école moderne. Boughmiga était bien conscient de cette fusion avec les éléments de l’ambiant et profitait pleinement de cette liberté infinie et cette intégration positive. Chaque soir, après les informations radiophoniques de huit heures, pour écouter les résultats du foot entre espérance de Zarzis, et le « Railways », ou Metlaoui, la Djerissa, Enfidha, Gabés, Sfax, Msaken…et quelques fois l’espérance de Tunis, pour dire que les partenaires étaient aussi, les endroits portant les empreintes socio-industrielles des colons d’autrefois. Ainsi, chaque soir, sur les pas…de ma destinée, je descendais le talus de cactus vers la mer, en plein oasis, traversé au milieu sur une douzaine de kilomètres par une ruée de sable fin, entrecoupée par des oueds en face de chaque vallon de la colline paralléllo-linéaire. Une fois, portant une chemise blanche, assez visible dans l’obscurité opaque du village, je descendais vers la mer et en traversant la route en trottinant, j’avais entendu, quelqu’un que j’avais reconnu de suite par sa voix, en train de lire presque en criant pour se donner confiance, des sourates du saint Coran, me prenant pour un fantôme. Je suis passé sans le déranger, pour ne pas le décevoir, ni faire de lui, certainement un ennemi gratuit. Il aurait aussi la latitude, jusqu’à nos jours, de raconter son aventure fantastique à ses petits enfants, surtout, quand, parait il, il revenait d’une cérémonie traditionnelle de danse mystique et socio-thérapeutique. C’était au même endroit, que j’avais rencontré la lumière de la première ampoule électrique du village, chez une personnalité politique et qui rayonnait même sur la ruelle. Boughmiga, paradoxalement, peut être jusqu’aujourd’hui aussi chez certains, avait perçu négativement cette intrusion comme une violence et une entorse à l’ordre établie par la nature, pour la nature et les hommes intégrés. Avec le temps, Boughmiga s’accoutuma à l’artificiel collectif même s’il ne pouvait plus observer les étoiles, la nuit avec ses jumelles ordinaires. Plus tard, pour répondre à cette rage interne, en trois en un, il passait des mois à remplir des milliers de bouteilles en plastiques en eau potable, pour les garder des intempéries, pour recueillir les lumières du soleil par leurs réflexions au couché et au levé, et aussi pour étancher la soif millénaire de ses ancêtres et sauvegarder de l’eau dans un reflexe de survie. Sans réduire les possibilités de lucidité de chaque personne, le contournement, la réalisation et la vision directe des éléments de la vie et ses lumières, demandent beaucoup de contemplation et de dépassements des préétablies et des conventionnels. Dans cette optique, Boughmiga, opta pour une approche insolite, basé sur l’inversion des concepts, des échelles, des mesures, des accordés…du tableau de bord, pour embrasser le tout et l’ambiant, comme il se doit, sans interférences culturelles et cultuelles, le laissant exprimer son message et son cycle. Dans une sorte d’idées expérimentales pour devenir véritablement des idées véridiques, un mouvement non stop donnant des idées acquises et confirmées, pour arriver enfin au verbe, qui cette fois serait chez Boughmiga et son expérience, plein de contenance et de véritable message de la vie. De ce fait, par exemple, si on parle du Dieu du verbe, Boughmiga avait aussi le bonheur de toucher les empreintes directes du créateur dans touts les objets, toutes les fleurs, tout l’ambiant et toutes le lumières…pour véhiculer cette ascension irrésistible vers les dimensions divines, d’une autre façon complémentaire et merveilleuse. Comme quand on avait envoyé Boughmiga à travailler à Ejdaria, une façon de se débarrasser de lui, pendant qu’il était heureux car dans ce petit bled, il pouvait lire à volonté ses livres et nettoyer les longues plages en dehors de son temps de travail réglementaire. Juste pour dire, qu’il récupérait et insérait toutes les activités dans son cycle de mouvement écologique et humain. D’ailleurs, en plus des centaines de contraventions, des jugements, de lynchages, des menaces de morts, des « dirty tricks », des provocations, des pièges dangereux, des mises en quarantaine, des pénalités onéreuses aux causes bidons…il avait toujours refusé de flancher, luttant par sa capacité à subir et sa force de résistance et de justice. Il avait aussi refusé catégoriquement d’émigré à l’étranger, car pour lui, il pensait que s’il y aurait de solution, elle ne serait que locale, intégrée et courageuse. A cette occasion, il serait bien de reporter véridiquement ce qu’avait dit un jeune distrait du village « Hé vous, les revenants et travaillant à l’étranger, hé vous les prétendus réfugiés politiques, on sait, on sait, comment vous avez eu les papiers des renseignements généraux… ». Juste pour dire, que l’obscurantisme avait fait des lumières aux pays des lumières, pour revenir en millionnaire, au bled, et incinérer méthodiquement au chalumeau les rares sources de lumières et d’illumination. Juste après la révolution chaotique et même jusqu’à nos jours, Boughmiga avait senti que l’étau se resserrait encore, malgré la fuite de la dictature, car les éléments associatifs et sociaux, le plafonnage usuel, jouaient aussi le jeu de l’exclusion et le nombrilisme maladif. Il suffirait d’être différent, de voir les choses autrement, de naviguer seul, dans un monde tribal, clanique ou corporatif, pour se faire claustrer…ce qui n’était pas toujours négatif pour Boughmiga, qui jouissait ainsi de sa liberté de mouvement et de se consacrer à sa marginalité intellectuelle. Dans le même ordre d’idées, la lampe publique devant la maison de Boughmiga resta pendant sept ans éteinte, soit la période du conseil municipal « révolutionnaire », ce qui ne dérangeait pas quand on est contre la consommation d’énergie dans un pays non pétrolier, mais, la raison, l’arithmétique, les mathématiques, les statistiques, le bon sens…et le hasard, refuseraient la fortuité de cet acte mesquin. D’ailleurs, rebelote, depuis l’avènement du nouveau conseil municipal élu, cette fois, c’est toute la rue qui est dans l’obscurité, au damne de ceux qui croyaient que ce geste anti social constituerait un dérangement. Restant toujours, un militant global, pour l’écologie, l’humanitaire et toutes les lumières et les illuminations…Boughmiga avait été souvent l’objet des insultes vulgaires sur le net, au niveau de leurs auteurs et leurs refus de toute vérité ou juste pour le fait d’être différent. De ce fait, et sans à priori politique ou idéologique, rares seraient ceux qui comprendraient la démarche contre courant et l’attouchement des éléments de la vie, par l’expérience, l’action directe, la fusion avec la nature, reléguant en dernier lieu, le verbe creux, redondant et souvent réducteur. Rares seraient ceux qui comprendraient, en plus de la religion populaire de nos ancêtres, sa sagesse et son intégration confortables, l’importance des approches acquises par le mouvement créateur et recréateur au point de réaliser et souligner les empreintes divines de la vie. Ainsi, la différence est amplement manifeste entre les lumières et l’obscurité, entre la lucidité et l’extrapolation, entre la certitude et les approximations, entre le bien…fondé et le mal….conçu….pour dire à la fin, que l’ascension vers Dieu, ne serait pas par l’exclusion de l’autre, mais seulement avec l’autre, quel qu’il soit. Lihidheb Mohsen 09.07.18

4 commentaires:

  1. Merci Mr mohsen pour tes écritures nostalgiques d’évasion vers une vie antérieure que malheureusement je regrette de ne la pas vivre. Tes expressions de français si riches me font sentir ma pauvreté linguistique.

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    1. Merci, la langue n'est qu'un véhicule pour tendre la main à l'autre....soi même.

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  2. Ameni Jebnoun Bravo monsieur , magnifique plume ,un beau résumé aussi riche et aussi bien décrit que seul “les différents” peuvent interpréter pareil , félicitation beau parcours bravo

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