dimanche 5 avril 2015
Le Chant de Ghadames.
C’était au milieu du Sahara, au fond de l’oasis ombragés, dans les ruelles sinueuses, obscures et longues, dans l’appel de lumière au fond des couloirs, à travers les ouvertures dans les toits ou les miroirs réfléchissants l’espace et le temps, c’était dans la blancheur des murs de terre, de paille, de centre, de troncs de palmiers traités, de pierres placées selon leurs natures, leurs poids, leurs réactions au climat et les intempéries, dans les courbes des escaliers, des voutes, des lucarnes, des porches et des chambrettes confortables, dans les décorations par des objets utilitaires et artistiques en même temps avec quelques peintures murales rouges dans un style arabesque et scarabée, dans l’exploitation optimale des espaces, des étages, des dénivellements, des recoins, des rôles, des priorités et des idées, dans le rapport de sagesse avec la foi, la famille, la tribu, l’autre et soi-même, dans l’inspiration géniale de scinder cette petite communauté en deux « gens » compétitifs et complémentaires afin de garder les motivations et l’aspiration vers le meilleur et se réunir impérativement devant un danger extérieur, dans la fusion des connaissances et savoirs dans la vie de touts les jours, dans le temps, les mouvements, le climat et la matière, dans l’assimilation des valeurs et techniques acquises et importées par les caravaniers, dans la simplicité déconcertante du culte et rituel et la proximité de la création et du créateur, dans la vénération de la source « Aïn El Frass » et la gestion sacrée, juste et précise de l’eau, Ô combien précieuse au milieu du désert, dans la préservation de l’oasis pour les palmiers, les arbres fruitiers et les agrumes tout en contenant rigoureusement les constructions, dans l’humilité des gens, dans leurs habits amples et simples, dans leurs sourires retenus, dans leur sérieux des insulaires, dans la gastronomie et l’équilibre nutritif, dans l’accueil, dans les petites histoires, dans la timidité des blagues, dans les contes, dans la réalité ambiante… au fond des verres de thé à la mente, … j’ai perçu, la sagesse, la civilisation, l’éthique, l’esthétique artisanale, la chaleur humaine, l’intégration, l’authenticité, la crédibilité, l’équilibre et la paix, auprès des Ghadémsis.
Dans la ville, hors de l’oasis, j’ai vu plusieurs groupes de femmes, dans les magasins à marchander des habits modernes et pendant qu’elles regardaient curieusement mon accoutrement « Wazra Akkaria avec un Kabbous rouge vif », j’ai eu la latitude de contempler les beaux traits de leurs visages et les regards pleins de confiance et de plénitude. Cette rencontre m’avait fait plaisir car c’était une preuve de l’émancipation de la femme dans ses valeurs locales et à sa façon, et de l’accompagnement actif de l’homme dans ses performances culturelles et sociales.
En faussant compagnie au groupe, Boughmiga le néanderthalien, l’insaisissable que je suis, ai fait un tour en solitaire, à travers les bordures de la ville moderne encore en construction. Dans un kiosque à essence, j’ai rencontré un groupe de caravaniers en 4X4 faisant leurs derniers préparatifs pour la traversée du désert. En confirmant un pressentiment, j’ai constaté, qu’ils avaient un profil bas et effacé et parlaient un français que je n’ai pu identifier à travers les quelques mots que j’ai capté en les croisant en voiture sur la place du kiosque. Plus loin, sur un espace vide bordant un vallon, j’ai descendu de voiture, pour voir tout au fond un début d’agglomération bidonville avec de morceaux de zinc. J’ai tout de suit pensé aux pauvres émigrants clandestins de l’Afrique sub-saharienne, qui se hasardent plein nord à travers les mers de sable et les mers aux vagues mortelles, ainsi qu’à travers les obstacles humains des lois. J’ai souhaité me tromper, car le pays baigne dans l’opulence et un populisme africanophile.
Le soir, après les cérémonies officielles et officieuses, le groupe, hommes et femmes, était invité dans une maison privé aux alentours de Ghadamès, à quelques kilomètres vers le nord. Le salon était long et haut, au tour du mur, des coussins et matelas multicolores sur lesquels nous nous sommes familièrement affalés. Au milieu, des plats de sucreries, gâteaux, dattes et des confections locales de petits pains au piment. Prés de la porte pour dissiper la fumée, un grand homme au kéfié noir à antenne, s’affairait avec l’attirail de thé avec des gestes précis et engagés. L’ambiance était agréable et conviviale, après un diner aux chandelles succulent, malgré son incompatibilité éthique avec un plein Sahara, et cette escale était plus conforme à nos besoins et habitudes culturelles. Comme il se doit, la discussion commença par l’échange de poésie ponctuée par des argumentations amicales sur les fameux classiques de la culture arabe. C’est alors, qu’il entra, ordinaire, insignifiant, en habits traditionnels, salua légèrement et s’installa à coté du maitre du thé.
Doucement, il sortit son luth « oud » de son étui en toile, et après quelques balbutiements vocales et sonores, il nous prit doucement vers le ciel, entre les dunes, à onduler au gré de la musique, loin des hommes et leurs futilités, au dessus des « langues », au dessus des frontières et des barrières artificielles. Il chanta Libyen, puis Tunisien et Algérien, et confirma l’universalité de Ghadamès et sa culture, et nous accrocha pour toujours, à sa sagesse et son humanité, par cette symphonie de la vie, dont les notes ont été fredonnés sur les dos des chameaux dans touts les sens, pendant des siècles.
Lihidheb mohsen Eco artiste
Zarzis Tunisie 11.02.09
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