jeudi 5 janvier 2017

Société locale, un parcours particulier.

(Mot prononcé en arabe à l’occasion du séminaire organisé à Zarzis par l’association citoyenneté et dignité.) Dans le cadre d’un aperçu global sur l’histoire contemporaine de la presqu’ile de Zarzis et sa région, dans une lecture qui se veut juste, sans tomber dans l’approche facile, les explications partiales ou la narration des faits selon l’optique du vainqueur et le maitre de la période. Pour cela, cette approche essaie d’être crédible, historiciste et responsable. On peut donc affirmer, que la sociabilité naturelle, qui est devenue progressivement une conscience civique brute, était le résultat direct des rapports agricoles et économiques et les relations durables prédominante entre les gens…au point de voir naitre une répartition des rôles entres les tribus et les minorités pour trouver les Ouled Foulen dans l’oliveraie et la culture, les autres dans la mer et les pâturages, certains dans les services serviles de la ville, les juifs par exemple meublaient les secteurs du commence, de l’artisanat et de l’usure financière, pendant que les gens de couleurs se retrouvaient bien dans les troupes folkloriques tout en travaillant comme tout le monde dans les autres domaines. C’était une sorte de convivialité positive selon la nature des choses et les particularités humaines et celles de la terre et de la mer. Par cet engagement et cette intégration totale avec les éléments ambiants, les gens ont pu chevaucher la nature selon le climat, les saisons et les conditions. Cette sédentarisation sporadique sur le littoral Est de la plaine de la Djeffara, avait amené la société à la nécessité d’admettre le conquérant et composer avec un fait accompli imposant surtout après la défaite de la ville de Sfax, de l’ile de Djerba…et l’impossibilité géographique de résister dans des montagnes ou des maquis. L’installation de cette population juste sur le littoral et à la portée des canons des assaillants, avait participé à accepter amèrement les conditions des conquistadors. Une situation qui était aussi, un argument pour traiter avec l’ennemi et prévenir un massacre inévitable, surtout quand d’autres voulaient vainement faire la guerre sur la presqu’ile et la mettre en danger majeur. Un rapport inégal des forces, qui avait poussé la société locale à gérer intelligemment la situation et continuer une résistance latente, permanente et efficace, foncièrement opposée à la déstabilisation des valeurs ou la christianisation des mœurs. A travers l’histoire, la société locale, avait toujours assimilé les intrusions et les nouveautés, comme la religion musulmane dont les valeurs avaient été intégrées totalement dans la vie quotidienne et la conscience commune. Aussi, comme les techniques de pêche aux éponges avaient été imité des grecs et des maltais qui organisaient des compagnes de descentes sur les pâturages d’éponges du littoral du sud tunisien, les techniques de jardinages dans les oasis, de la pêche côtière avaient été importés de la région de Mauritanie. Une société locale dynamique, qui avait accompagné le mouvement national destourien, le travail syndical libre et le soutien inconditionnel à la révolution Algérienne. Cette prédisposition confirmée, avait aussi permis l’accueil et l’intégration de milliers de familles fuyant le fascisme en Lybie et la famine prépondérante d’alors. D’ailleurs, les minorités, étaient toujours à leur aise et les confréries religieuses comme les Tijania et le soufisme spirituel, trouvaient une réelle quiétude. D’un autre coté, la promotion sociale des individus acquise et reconnue, se base sur le favoritisme familial et tribal, propulsant les uns à obtenir une fonction et d’autres à se consacrer à un créneau d’activités salvatrices. Un «repêchage » fort répondu dans cette société classique obligeant les favorisés à permettre aux autres une éducation, un travail, une activité….souvent résultat d’une parenté de mariage et de solidarité inter tribale. Une manne, dont on peut retracer le parcours maintenant, quand on se demande, pourquoi cette famille était à prédominance lettrée, ou cette famille travaille à la poste ou celle là avait émigré à Tunis…dans un aboutissement normal des relations de mariages permettant le rapprochement entre les familles et les tribus et unifiant la défense et l’exploitation des terres limitrophes. Cette échelle sociale, était aussi possible pour les bons travailleurs, les marins chevronnés, pour accéder au titre de Raïs par l’acuité visuelle, la lecture du climat et de l’horizon à l’œil nu ou la capacité de viser les éponges dans les profondeurs de la mer. Cette promotion légitime, permettait aussi un respect général, une alliance de mariage promettant et peut être aussi des visées sur le poste honorifique de cheikh du village, de notaire, ou de dignitaire. C’était une porte ouverte, de succès et d’affirmation, grâce au travail et le respect général, et qui ne se construit que véridique et sur le long terme. Avec le temps, cette population paysanne, était passé du stade de la solidarité nécessaire, la défense commune et le travail pour la survie, au féodalisme économique sur la mer et sur la terre, quand les moyens d’exploitations passèrent du collectif à l’individuel. Les familles moyennes et influentes parsemées dans toute la région, comme le firent plus tard les tamiseurs politiques pour maitriser le bled, avaient simultanément une bête de somme pour la charrette, le labour, le transport, la moisson…et en même temps un chalutier à quatre canoës pour la pêche aux éponges. Une sorte d’investissement dans les activités de la terre et celles de la mer, sans laisser la moindre occasion de s’attribuer des ressources. Dans toute cette période, l’attitude envers le protectorat était sans équivoque, un refus catégorique et définitif, laissant la place à certaines compositions avec les nouvelles techniques d’exploitation motorisée de la pêche et de l’oliveraie. Une attitude, qui donna à la résistance un caractère global et latent, participant dans toutes les péripéties politiques et soutenant activement la révolution Algérienne. Dans cette optique, les marins transportaient les informations du Sahel vers le Sud et infiltraient les leaders clandestinement à travers les frontières marines jusqu’à Tripoli. Les bergers aussi convoyaient les munitions et de la nourriture aux combattants de la montagne. Comme dans toute société saine et évolutive, cette région avait opté pour la compétitivité entre les tribus, entre les familles et même les individus, pour performer la productivité, rationnaliser le travail et faire comme l’autre, pourquoi pas, tant que c’était un créneau promettant. Un concours permanent et général qui participa à un certain équilibre général des possibilités, mais qui ne put connaitre ses limites en créant malheureusement une certaine animosité vorace entre les gens, encore nuisible jusqu’à nos jours. Une animosité locale, qui assécha le paysage social où tout le monde se tassait stoïquement et ne pouvait en sortir qui ceux qui furent promus dans d’autres villes. Il n’est pas donc étrange, de voir, comment les grandes personnalités d’origine locale, venaient d’ailleurs pendant l’intellect de la place marinait dans une sauce piquante et amère sans perspectives d’avenir. Une sorte de plafonnage collectif, réduisant les chances par un alignement général et une rétrogradation unanimiste. Comme l’avait dit un responsable de la première heure, les Accara s’entretuaient pendant que les usuriers faisaient des affaires Bien sur l’avènement de l’émigration, tout d’abord vers Tunis pour tenir les cafés et la restauration, elle fut aussi un tremplin pour d’autres afin de partir à l’étranger, dans des couloirs presque organisés, laissant le savoir faire, la main d’œuvre locale et les différentes techniques traditionnelles en souffrance. Un flux migratoire sans grande intégration dans les pays d’accueil, se basait sur la ghettoïsation culturelle et le transfert de fonds pour l’amélioration des conditions du bled. Un système qui était aussi tombé dans le plafonnage des chances pour reléguer l’éducation à un rang mineur. Une forme de d’auto cristallisation autours des valeurs, qui malgré l’apport incontestable du tourisme et son ouverture sur le monde, il avait aussi subi cet enfermement dans des couloirs étanches et conceptuels. Un tourisme qui s’était limité à la mer, le soleil et la plage sans grande curiosité au sujet de l’homme et sa condition et servant juste les nouveaux riches du pays. Pendant que l’émigration massive, de la main d’œuvre, puis de ses familles, avait relativement foiré malgré les possibilités immenses d’intégration et de s’inscrire en tant qu’arabo musulmans dans la civilisation humaine. Seuls la vague d’importation des tracteurs agricoles et le transfert de capitaux investis malheureusement dans la construction, étaient des cotés positifs de ce rush humain. Dans ce contexte, malgré les difficultés de la vie, les compromis obligatoires, les contradictions à admettre et l’acceptation du fait accompli, une certaine sagesse s’était cristallisée progressivement, avec les valeurs de sagesse de l’islam et la politique du possible et du réalisable. Cette sagesse qui poussa la société locale à puiser jusqu’au fond dans les possibilités des richesses de la région et transformer par exemple les produits de la mer, en oliveraie verdoyant et en cheptel nombreux, comptant sur elle-même et ses richesses acquises. C’était peut être l’un des rares endroits, où le rôle de l’état et sa contribution dans l’économie, était fort négligeable et les gens ne faisaient rien aussi pour inviter les autorités à investir ou promouvoir. C’était plutôt le contraire, quand l’office des terres domaniales s’appropria les milliers de pieds d’oliviers nationalisés des colons qui les avaient à leur tour pris aux fellahs pour rien, ou quand les salines et la pêcherie, restèrent aux mains du pouvoir. Effectivement, cette sagesse locale, se manifesta à toutes les occasions et toutes les épreuves, que ce soit lors du flux de refugiés de la Lybie, lors du vide sécuritaire total de l’après révolution ou lors des efforts communs contre toutes les formes de violence. Pour cela, l’idée de crée l’association citoyenneté et dignité germa, afin d’asseoir une concertation générale et une approche de convivialité entre les gens et entre les intellectuels de la région. Une initiative proposée par les fondateurs Messieurs, Abdallah Charrad, Hassen El Ghoul, Salem Fréa, Abdesslem Khouildi, Mcharek Salem, Lihidheb Mohsen, Abdelkrim Kaouach…et tant d’autres, afin de déconstruire l’animosité légendaire des Accara entre eux et proposer un modèle comportemental de respect et de conséquence. Lihidheb Mohsen

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