dimanche 13 septembre 2020

Sur les traces des ancêtres

 


                




Quand Boughmiga se met à composer avec la réalité, à bouger assez proche du mouvement universel, du corps, de l’esprit, des rêves, des happenings, des surpassements…, il se frotte effectivement aux éléments composant sa vie et ce qu’il en perçoit. Comme il tomba plusieurs fois, dans des redondances comportementales, pratiquées et véhiculées par plusieurs générations de chasseurs cueilleurs…devenus consommateurs, des évènements qui avaient eu lieu, ont pu être identifiées et soulignées. L’exemple le plus frappant était quand il voulu remplir des milliers de bouteilles en eau potable pour cacher l’eau pour des temps difficiles et répondre à l’angoisse d’autrefois des ancêtres, de la soif dans ces régions arides. Cette fois, la ré mémorisation inconsciente, était aussi venue avec l’action.

                Comme chaque été, sauf quand les journées étaient très chaudes, Boughmiga sortait vers les cotes de la mer ou vers les champs d’oliviers et autres endroits susceptibles de montrer encore les traces lithiques des anciens. Cette fois, les figuiers sauvages l’interpelaient pour gouter de leurs fruits succulents et moelleux. Il fallait qu’il satisfasse les plantations lointaines, l’une ici, l’autre là-bas, quelques fois distants de deux à trais km et que les fellahs avaient planté non seulement pour leurs fruits, mais aussi, parait-il, que leur existence est favorable au micro climat et la permaculture bénéfique aux champs d’oliviers. Sans que personne ne vienne les voir, Boughmiga trouvait toujours les traces des chiens sauvages, des renards et des rares loups qui l’avaient devancé, tournant autour de ces arbres en quête de « Karmoussa » accessible. Presque la majorité des figuiers, avaient été honoré par son passage, comme il avait honoré aussi leur effort de bourgeonnement, de germination, de floraison, de pollinisation, de murissement, de résistance…par le fait d’en manger un fruit de chacune.

                    Cette fois, il prit une autre direction, où des colons et grands propriétaires avaient planté une cinquantaine de figuiers géantes, juste à la disposition des pauvres habitants locaux, qui s’en approvisionnaient à volonté en tant que produit de subsistance et surtout pendant les années difficiles. Il se fait que le grand père maternel de Boughmiga, était un petit féodal en contact de travail et de labeurs avec les domaniaux coloniaux français, sans subordination ni servilité, mais par la bravoure et la témérité. Il aurait pu faire le Mkhazni, le Sheikh ou le notable, mais Si Salem, se limita à rester debout, sur son cheval blanc, à gérer ses oliviers et ses cultures céréalières, tout en ayant une relation d’équité avec les colons propriétaires de la compagnie agricole de Sidi Chammakh. D’après un cousin du grand père de Boughmiga, Si Salem, était grand et fort avec une allure imposante, passait les nuits d’été à dormir entre ses silos de grains pour les garder et pendant le jour le prenait pour aller chercher un ami à Souihel sur sa calèche rapide…. Il faisait aussi de grande cavalcade à cheval, pour surveiller ses terrains propres et ceux de ses amis. Un jour, dans un geste fatal, du dos de sa monture, il tendit la main pour cueillir une figue mure, quand la bête s’affola et le poussa vers un pieux qui le blessa gravement au ventre. Malgré les secours tardifs et les soins rudimentaires des années cinquante, Si Salem « Haj », rendit l’âme, Allah Yarhma. Selon un témoignage direct, Si Salem Dakhli, était un homme très grand et fort, devenu par le travail et le sérieux le gérant de tout l'oliveraie du domaine de Chammakh, qu'il avait guidé vers une prospérité notoire. Bien sur, les féodaux locaux le voyaient d'un mauvais œil, tant sa réussite était gênante pour eux. Une animosité exagérée comme toujours à Zarzis, qui relégua au dernier lieu, ceux qui prirent les armes contre leur peuple, ceux qui suivirent les colons et ceux qui prirent ultérieurement la nationalité de l'ancien ennemi, d’après eux. 

                  Soixante-dix ans plus tard, par hasard, Boughmiga fit le parcours de son grand père, à braver la chaleur, les sables des labours et les ronces pour chercher des figues dans la même région du drame d’autrefois, quand il perdit aussi l’équilibre et tomba de tout son long sur un grand monticule de ronces épineux. Heureusement, l’absence de pieux l’avait sauvé pour sortir avec des egragnitures sérieuses et le petit doit de la main gauche déplacé vers l’extérieur. Malgré le choc, les douleurs constantes et un léger étourdissement, il s’interdit d’aller à l’hôpital, à cause des risques de contagion en vigueur par la corona virus. Tout de même, il essaya de lier son petit doigt aux autres pour le redresser pendant quelques jours, mais sans succès.

                   Ce n’était que bien plus tard, que Boughmiga avait réalisé l’analogie des deux incidents, celui du grand père actif et celui du neveu sauvage et impulsif…pour souligner des similitudes étranges comme, la région, la chaleur, l’élan, les figuiers, la chute…avec des résultats heureusement différents.

                  Ainsi, Boughmiga, lance un geste de respect à son grand père qu’il n’avait pas connu, un geste de reconnaissance au mouvement avec la nature qui lui avait aussi sauvé la vie, pour se consacrer, comme il l’avait toujours fait, à la nature et à l’homme.

                                                          Lihidheb Mohsen éco artiste 20.08.20

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