lundi 12 décembre 2016
Ulyssus, à Zarzita.1
Les taliban de Zarzis.
On était une cinquantaine de jeunes venant des familles pauvres de la région de Zarzita, voir Souihel, Hassi Djerbi, Chammakh, Gribis, Khawi Laghdir, Mouensa, Hmadi el Guebli…et même de Tataouine et Bengardane. Faisant la queue et marchant dans l’ordre vers le hammam hebdomadaire, gratuit comme toutes les activités de ces saints talibans, la Khéria, bienfaitrice, une association islamique de solidarité, avait pris en charge pendant des décennies, les étudient nécessiteux pour les héberger, les nourrir et les former, dans une sorte d’internat rudimentaire et un réfectoire improvisé. Plusieurs maisons de juifs partants ou de colons absents avaient servi paradoxalement cette noble cause. C’était cinq heures du matin et la ville dormait encore, à part les pas des savates sur la chaussée ou les grincements de la grande brouette de l’éboueur, dominaient le bruit de la mer en furie. Un marchand de baigners ouvrait sa boutique, un cafetier mettait ses chaises à même la route et la baraka de ces enfants animait la ville. Les gens aimaient voir ses jeunes porteurs du savoir et garants d’un futur de sagesse et de réussite. Tout le monde participait à les aider par des légumes et des fruits et surtout des prélèvements direct lors de la presse dans toutes les huileries ainsi que lors des grandes pêches de poisson et d’éponges. Dans le local, souvent en sous bassement, une seule lampe illuminait l’endroit et on se disputait l’eau chaude et les rares morceaux de savon sous les cris vociférants du surveillant qui profitait aussi de l’occasion pour faire un bain. En sortant, la ville s’animait déjà et des ouvriers, des charrettes et des pêcheurs allaient au travail. Il y avait encore les traces des inondations de la ville de 1969 quand les gens se déplaçaient en plein centre sur des barques flottantes sur l’huile d’olive sortie des grandes citernes sous terraines de dépôt et de conservation. Une dure expérience et les gens attendaient l’intervention de l’état pour une meilleure évacuation des eaux vers la mer. Le petit déjeuner, une miche de pain, une tasse de lait et quelques grammes de beurre dans un grand bruit de chaises et d’ustensiles. Sous la garde des surveillants, nous devions aller au collège de la corniche, des bâtiments militaires prêtés à l’éducation et récupéré plus tard pour l’armée, dans une colonne de deux rangées sur deux kilomètres de parcours au moins. Il était complètement interdit de jouer, de rire ou de faire du bruit et suivant les caprices de certains surveillants de l’interne, on recevait de gros baffles soudains et colériques sans préalables. Si Noureddine Jebnoun, directeur du collège, était une personne très cultivé et véhiculait une illumination grandiose pour le savoir et le progrès. Il était avec touts les élèves quand ils partirent manifester devant le siège de la délégation contre l’attaque médiatique à l’encontre de Bourguiba par le leader panarabe Nasser. Certains professeurs étrangers, incitaient les enfants à ramener des grenouilles et carpeaux en vue de la dissection dans les cours de science naturelle pendant que certains d’entre eux en alimentaient leurs canards en donnant des notes de bonne conduite en contrepartie. Le prof d’anglais, un palestinien, Si Salti, était très en colère contre cette attitude inhumaine de ces collègues envers les élèves, qui leur offraient aussi des pièces romaines et des produits du patrimoine pour avoir de bonnes notes. En traversant la ville, on avait la salive à la bouche en voyant le marchand de pois chiche et sa vitrine alléchante, une personne qui devint plus tard un richard. Quelques touristes commençaient à colorer le paysage et le fameux cireur de bottes Kourdaa, un noir handicapé se fit enlevé et se maria avec une étrangère. Un vieux monsieur, Si Rhouma Belhiba, un nom porté par plusieurs au cours de l’histoire contemporaine, impressionnait les enfants par sa culture et sa belle écriture malgré sa constante légère ébriété. Plusieurs personnes partaient à l’étranger laissant leurs outils de travail et leurs bêtes pour un monde meilleur, dans une sorte d’émigration écologique canalisée utilisant le tremplin de la première génération des Zarzissiens à Tunis. Le soir avant le diner et la séance de révisions, Si Mohamed Khdhir, directeur de l’internat, réunissait chaque jour les jeunes pour un long speech sur le patriotisme et l’esprit de volontariat, car son expérience de scout et de militant politique avait beaucoup aidé cette génération à y voir clair et confirmer son appartenance ouverte. Des discours, qui avec ceux de Mohamed Jnifen l’année d’après, étaient très bénéfiques et clairvoyants avec un léger nationalisme arabe légitime. Un système d’éducation qui avait meublé agréablement l’administration régionale du pays, quand des instits, des infirmiers, des cadres…avaient travaillé à Djerba, Tataouine, Médenine et même dans les villages éloignés montagneux ou désertiques. Une génération avant-gardiste dans l’obéissance et l’application dans le travail, sans se laisser faire ni trahir leur humanité et leur bravoure courageuse. Ce soir là, il fallait réviser à fond les mathématiques et apprendre par cœur certains poèmes de Bachar…car l’angoisse des examens arrive et l’épée de Damoclès de la réussite à tout prix planait sur nos têtes nues. Il n y avait pas de solution à part l’éducation, pour de bon, le bled est pauvre et la pluie est rare.
Lihidheb Mohsen 12.12.16
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