samedi 26 novembre 2016

La Jneyna, petit oasis.

C’était un petit oasis dans le grand oasis maritime de ma région, qu’il fallait aborder chaque fois en allant à la mer. Une touffe de trois cents palmiers dans un espace réduit de cent cinquante mètres carrés, des palmiers qui avaient entre quatre et huit mètres de hauteurs, où il faisait presque obscur et agréablement frais, dans les chaleurs du sud. Enfants, on y jouait à cache cache, bien sur après avoir fait toutes les tâches recommandées par les parents. Garder les moutons, faire de grands trous pour les plants de tomates, récolter les feuilles d’olives sèches, aller à l’école coranique chez le Meddeb, ramasser les dattes tombées par le vent, casser des noyaux pour le chameau, gratter les cellules d’un tronc de palmier à moitié sec « Fikriss » pour les bêtes, aider à la moisson, assister à l’irrigation des carreaux de sorgho, éplucher les tiges de leurs feuilles, décortiquer les fruits de dattes pour les sécher, ouvrir les figues savoureuses pour les exposer au soleil sur les dômes de maison ou sur des touffes d’herbes aromatiques protégés par des épines contre les chiens errants, inspecter les trous naturelles dans les roches de la mer pour trouver quelques poulpes, participer aux grandes pêches des bandes de petits poissons… étaient des taches quotidienne, souvent pratiqués sous la contrainte et le dictat familial. Une société traditionnelle, qui abhorrait au plus haut degré le jeu de foot, encore naissant. On utilisait des boules de tissus ou les rares chaussettes de gens venus de Tunis, en guise de balle. Celui qui avait un ballon en plastique, commandait carrément le village malgré que les vieux considèraient les jeux une pure perte de temps et d’énergie. Pourtant, chaque fois que j’étais occupé à quelque chose à la maison et entendais l'écho des coups de ballon depuis le bord de mer, mon cœur battait la chamade et laissait le tout pour courir vers le petit stade improvisé malgré les appels des parents. La mer et le ballon, étaient une aire de liberté et de réjouissances. Comme toute la région était un refuge pour les animaux fuyant la chaleur de l’été de l’intérieur proche, des troupeaux de moutons, de chèvres, de chameaux, affluaient en se disputant les espaces et les ruisseaux d’eau artésienne, en se relayant harmonieusement, sous le bêlements des béliers, des boucs, les hennissements des ânes et les cris des hommes. El Jneyna était aussi un endroit pour les fuyards de la famille ou les déserteurs du dictat social. Pendant les canicules, les enfants s y réunissaient à jouer toute une série de jeux adéquats ou se raconter des histoires fantastiques. C’était aussi une sorte de labyrinthe avec un ombrage opaque et dense. Les jeunes se déplaçaient entre les sommets de palmiers en glissant quelques fois avec les palmes jusqu’au sol. Une sorte de cirque naturel et gratuit, disponible à touts les extra sociaux et les animaux. Un jour, des marins passaient par là, transportant des provisions vers leur barque pour une expédition de pêche aux éponges dans la région de Bar El Guebli, aux frontières maritimes de la Libye, un jeune faisant l’école buissonnière à cause d’une dispute avec sa belle mère alors que son père était aux terres agricoles de la Choucha, écoutait les conversations des marins et fit en sorte qu’il se cacha dans leur bateau, dans la cale, profitant de leur navette, afin de parvenir à son père et lui raconter ses difficultés. Ils ne constatèrent sa présence à bord, que loin au niveau de Lemsa, quand ils ne pouvaient le descendre à terre. Blotti dans le fond du bateau, il renifla l’odeur appétissante de la zoumita, bien granulée dans une outre de chevreau et comme un chat, sa faim l’obligea à se montrer et que ça saute. Malgré le mécontentement des marins, ils n y pouvaient rien et l’invitèrent à la collation en attendant de parvenir à la cote et le livrer à son père. Bien travaillée dans la peau de la bête, Ô combien, était bonne la zoumita surtout avec l’appétit collective des marins. Ce petit garçon reprit ses études, malgré les difficultés et devint directeur d’école et leader politique notoire, philanthrope, au point de ventre ses biens pour les autres et malgré le temps, il ne cessa de cultiver son jardin, pour manger avec plaisir la zoumita avec des oignons frais. Quand à la Jneyna, elle cessa d’exister, bétonnage oblige et une maison fut construite à sa place qui fut à son tour démolie par l’usure…et la vie continue en rétrogradation éthique et écologique durable. Lihidheb Mohsen 26.11.16

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