lundi 28 novembre 2016

Le berger, imposant.

Il revenait juste des pâturages de la Choucha, à pieds, un peu fatigué, mais les quarante kilomètres de marche, n’était rien pour lui, habitué à suivre le troupeau de moutons pendant toutes les journées et des parties des nuits. Dans sa chemise blanche, ample aux manches larges et longues, pieds nus, seul son beau visage rayonnait sous sa chéchia rouge blanchie par le soleil et déchirée au niveau des oreilles. Il inspirait malgré tout confiance, mais il ne faut pas s’aventurer à le provoquer ou marcher sur ses espaces. Mais comme ses espaces sont immenses, en tant que berger, il faut faire attention. D’une famille de petits paysans bergers, leur bravoure est connue et reconnue par la société et son frère était sollicité lors des rixes tribales pour les résoudre en frappant les assaillants avec un tronc d’arbre très lourds pour les gens communs et en jetant les ennemis, les uns contre les autres. Ce frère même, mangeait les petits poissons crus, avec les arêtes et disputait aux chameaux leur diner en mangeant avec eux les noyaux de dattes cassés, les grains d’olive et l’orge cru. Pour irriguer quelques oliviers derrière la colline de cinquante mètres, il montait souvent avec une Jenbia, sorte de jarre de cent cinquante litres, pleine d’eau, sur son dos plusieurs fois chaque jour. On disait « attention, Si Abdesslem arrive ». Parvenant à l’oasis de Zarzis, il fit une halte, comme par hasard prés d’un puits où de jeunes filles puisaient de l’eau et faisaient la navette jusqu’aux maisons. Il trouva la situation agréable et prolongea la pause en louchant des yeux comme tout homme naturel, vers les filles aimaient bien cette présence imposante. Ni l’un ni les autres était méchant, mais ainsi va la vie. Subitement, un homme à dos d’âne, tout en blanc, avec un air hautain, admonesta le berger et le menaça par son bâton lui reprocha sa présence prés du puits tout en le touchant avec la pointe de sa canne. Ce que le berger ne put supporter et bouscula l’homme à terre, sous les yeux des filles et poursuivit sa route comme si de rien était. Le lendemain, dans toute la région, une information circula, comment le cheikh Foulen avait été agressé et déshonoré prés de chez lui….et les gens attendaient l’arrestation de l’assaillant, les suites de l’incident et surtout la réaction du notable. Quant à la famille du berger, elle ne sut l’histoire que tard dans la journée, après le croisement de plusieurs informations et diverses probabilités. Un conseil de tribut se tint et pour éviter des problèmes au berger et un éventuel emprisonnement, on décida de déléguer les vieilles femmes, une sorte de groupe de saintes, les « Mhemdyett », pour intercéder auprès du Cheikh lésé et le convaincre de l’amitié entre les tributs et la primauté de la paix entre les tributs. Quand elles arrivèrent chez le notable, à quelques kilomètres, se dirigèrent chez les femmes de l’autre tribut qui, quand elles informèrent le Cheikh de l’arrivée des saintes en médiatrices, il se glaça de peur, de respect et de piété et se dépêcha de bien accueillir et nourrir ces bonnes femmes. Ainsi, l’incident était clos, sans l’intervention des gendarmes, ni des juges, ni des avocats, ni des lois partiales…que les Mhemdyett, Jabryett, Bnawit Essayeh, la baraka des Jlidett et des Ness Mleh….réussissaient toujours. Réputé par sa force et son courage, notre berger, fut amené à s’engager dans l’armée et alla à l’aventure dans sa grande porte. Zarzis, Tunis, Marseille, où il déserta avec un ami du corps militaire pendant la deuxième guerre mondiale. Une bonne vieille femme les cacha dans le grenier et survivaient à manger les rares haricots. Aussitôt revenu à la maison et la victoire des alliés confirmée, il fut vite persuader de devenir Mkhezni, et sa formation l’aida à devenir un bon cavalier de cette formation policière coloniale. Il y passa tout une carrière sans excès, pris deux femmes à la foi et passa sa vie à dos de cheval et malgré la lutte pour l’indépendance et les conflits divers, resta relativement neutre, malgré tout. Lihidheb Mohsen 28.11.16

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