vendredi 25 novembre 2016

La peur de la mer

Ils descendaient vers la mer, les amis de longue date, au village, à l’école, à la pêche aux poulpes, aux jeux de foot pieds nus, aux cérémonies de mariage au couscous appétissant, aux escalades des palmiers pour leurs dattes mielleuses… et cette fois, se libérant juste de la famille et des taches domestiques, s’accompagnaient, nonchalants, en se disputant et se chamaillant. Deux frères d’une famille de paysans, un jeune noir d’une famille pauvre et un fils d’un ancien émigré à Tunis, qui revenait juste de la capitale et racontait plein d’histoires sur cette ville de rêve. Le tramway, les bus, les immeubles qu’on n en pouvait voir les sommets sans perdre sa chéchia du dessus de la tête, le cinéma, oui le cinéma, Samson l’imbattable, le retour de Ringo, la bête, la brute et le truand… des films qu’il racontait avec des gestes et des détails impressionnants et fantastiques. Ils s’approchaient lentement du phare et des silos de blé provenant par bateaux des terres de la Choucha, juste en face du petit port des embarcations des pêcheurs d’éponges. Encore sous l’effet des histoires fantasmagoriques racontées des films de Tunis, ils ne remarquèrent pas l’homme assis, affalé par terre, comme étourdi, aux yeux hagards et le teint pâle. En essayant de l’aider à se relever, il était comme ivre avec un vertige de haute montagne et répondait difficilement aux questions des enfants. Il n’avait pas l’accent local et son accoutrement, la wazra grise, le turban blanc, la canne noueuse, les babouches en peau de chameau, le corps sec et dur, l’allure sobre et autosuffisante…expliquaient son origine de l’intérieur du pays. Les enfants se précipitèrent à chercher de l’eau et lui lavèrent le visage tout en le calmant et essayant de comprendre ses inquiétudes. Doucement, il commença à raconter comment il venait de Médenine pour chercher du travail et comme il ne connaissait pas la ville et n’avait pas prévu de se faire recommander pour une connaissance pour l’accueillir, ses pieds le guidèrent vers cet endroit. On lui avait parlé un peu de la mer, avec des insectes dedans et les dangers le concernant, mais il n’avait jamais imaginé qu’elle est aussi grande, aussi houleuse, immense, impressionnante, très bleue avec des moustaches blanches, crachant les flots avec un grand fracas comme du tonnerre…ce qu’il ne put supporter et comme s’il était au sommet de Djebel Tejra, il fut pris de vertige, la terre dansait sous ses pieds, tanguait à ne plus tenir debout et perdit connaissance tout de suite. C’était alors que les enfants comprirent la situation et éclatèrent de rire tout en essayant de sympathiser et calmer le vieil homme. En le guidant lentement vers la plage, ils lui racontèrent l’étendu de cette grande nappe d’eau qui ne sort pas forcement de son lit et constitue une grande ressource de poissons, il suffisait de la comprendre et respecter ses fureurs. L’obligeant à mettre ses pieds dans l’eau jusqu’aux genoux, ils firent ensemble une centaine de mètres longeant la plage tout en lui racontant les aventures de l’homme avec la mer. Ils ne manquèrent pas de lui raconter comment lui aussi, de son coté, à son histoire, son immense monde dans le désert et les étendus de sable et de couleurs. Une similitude, qui redonna à l’homme sa probité et une certaine confiance en lui-même. Des jeunes vivants sur le littoral, ne pouvaient imaginer deux mondes aussi différents et une telle incompréhension mutuelle. Toutefois, ils ne pouvaient faire mieux, et Samson, prit Dalila par la main, restèrent heureux et eurent beaucoup d’enfants. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Le vieillard de Medenine (Poéme ancien) --------------------------------------------------------------------- C’était un artiste, ouvrier, artisan, Marin, bricoleur, endurci matelot, Chaque soir se retire dans sa chambre la haut, Pour construire de jolis petits bateaux Avec sur les mats, des voiles blanches, Et une coque, colorée et étanche, Il en faisait de touts les modèles, Frégates, péniches et caravelles, Des paquebots à vapeur et felouques, Des galériéres et Titanic en reliques Il est fier de ses œuvres qu’il expose, Dans les places, les festivals et les foires, Et malgré l’argent qu’on lui propose, Il en vend avec regrets et remords Un jour il partit assez loin de la mer, A Médenine dans les ksars légendaires, Dans une ruelle desservant les Ghorfas, Et les fameux joueurs de Kharbga, Un vieil homme courbé sur son bâton, N’ayant jamais vu de bateau pour de bon, S’approcha et pris le voilier dans ses mains, Le caressa et l’embrassa avec entrain Et notre artiste en resta très ému, Devant la fusion de deux mondes inconnus, Devant cet amour sans limites ni barrières, Cette liberté sur la terre et la mer. Ce baiser signe très fort notre nature, Notre tendance irrésistible vers l’avant, Vers d’autres cieux, d’autres horizons, Couvant les semences de l’avenir Ainsi, il faut qu’un artiste le fasse, Pour qu’un vieux « Temri » l’embrasse, Cette œuvre commune de liberté, Qu’il faut chérir et chevaucher. Lihidheb mohsen éco artiste 19.12.2010 Mémoire de la mer et de l’homme

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