mardi 6 septembre 2016

Portraits et sagesse 36

Mohamed Zran D'une famille de lettrés, avec cinq fréres, Mohamed Zran avait fait ses études à Zarzis et Djerba et sous la pression et encadrement de son frére Tahar, il se dirigea vers l'étude du cinéma à Tunis puis en France. Il fit son chemin dans ce monde difficile et débuta avec des films à caractére social et relativement engagé. Il eut un grand succés lors de la sortie de son film "Saida", ce qui l'amena à faire le grand film documentaire tournant autour de la personnélité de Simon, un vieux juif épicier dans le centre de Zarzis. Vivre ici, était le nom du film qui voulait aussi traité du bon vivre ici, à Zarzis et la vague d'émigration souvent injustifiée. Plusieurs personnalités de la région, ont été immortalisé et repris dans leur vie habituelle, combien elle était belle et un peu rebelle. Il a été primé un peu partout dans le monde et surtout la reconnaissance et le respect de la ville de Zarzis, pour touts ceux qui proposent un plus, dans la vie culturelle et sociale. Un commentaire au moment de la sortie du film vivre ici Vivre ici, entre ZRANZIS et Zarzis… Grâce au concours des autorités locales, la mairie, le comité culturel, l’association de cinéma, l’Hôtel Zita Beach resort, la société civile…, nous avons eu l’occasion de voir en première, le film documentaire de Mohamed Zran « vivre ici à Jirjiss ». Dans une salle grandiose de l’hôtel, pendant deux heures, nous avons vu « Zranzis » ou Zarzis, vue par Si Mohamed, qui nous a emportés dans un envol agréable, parsemé d’idées et sentiments, quelques fois contradictoires, mais souvent révélatrices et crues de vérités criardes. Les personnages, pris sur le tas, sur le lieu de leurs activités, avaient été fantastiques, Fatma la marieuse, Béchir le taxiste, fan de foot et de l’ESZ, Boufalgha l’artiste psy et cérébral, Tahar l’instit révolté, Kazimir le vendeur de souvenirs sur les plages, Fakher le cavalier dragueur, Dakhli l’aveugle plein de son et lumières, Chamoun le commerçant juif du cartier…venaient et revenaient sur l’écran dans une mosaïque de scènes et situations distinctes, redondantes et linéaires. Avec une fixation démesurée sur Chamoun, malgré que son message et son profil étaient compris dés la deuxième séquence dans le film, à partir de laquelle le public s’est senti indisposer à chaque reprise de l’acteur…il était malgré tout, rayonnant de sagesse et d’intégration dans une société supposée « hostile » aux juifs du coté ethnoculturel. Cette intégration, qui revient à son caractère convivial et solidaire, est aussi en premier lieu, due à ce milieu d’accueil hospitalier et ouvert à toutes les minorités à travers son histoire. En effet, les noirs, nos frères Libyen pendant l’invasion Italienne, les juifs, nos compatriotes de l’intérieur venus en milliers pour le travail, n’ont jamais senti la moindre animosité ou répulsion quelconque. Dans une société aussi dynamique que celle des Akkara, où les rapports économiques et par conséquent sociaux, sont assez développés et en mouvement permanent, l’éthique humaine était aussi un milieu d’incubation des valeurs de tolérance, de coexistence et de paix. Donc, la focalisation sur Chamoun, aussi délibérée soit elle, ne peut déplacer en aucun cas les valeurs d’un camp à l’autre, malgré que la petite communauté juive de la ville, ait participé à l’artisanat citadin et le soutien de l’agriculture et l’élevage grâce à l’hypothèque et l’usure, souvent très contraignants et inacceptables. A ce niveau, nous pouvons admettre, que Chamoun, le Zarzisien et le Tunisien, était effectivement, le lieu de rencontre d’une multitude de clients pour la simple médication, les herbes médicinales, les grains, les potions, pour une occasion ou une autre allant de la naissance d’un bébé, à la circoncision, le mariage, la purification mortuaire…à l’exhibition pour de curieux Libyen pour voir le dernier juif « résistant aux foliesethno politiques », résistant dans son bunker, barricadé derrière son comptoir, pour la survie de la paix et la tolérance, dans un pays de paix et de tolérance millénaires. Boufalgha, l’artiste errant, orphelin, déchiré entre sa mère somnolente et sa mère Paris la fraiche, affichant pour maitre spirituel un S. Freud qu’il naturalise Français, philosopheur devant un Chamoun ébahi et dépassé par tant d’esprit inutile, effacé devant sa sœur et son gendre surnaturels et angéliques, fétichiste avec son pinceau et les jouets de sa fille qu’il na pas vu grandir, jongleur d’idées et de mots dans un désert de conformisme, colportant une infirmité physique noyée dans les métaphores de l’esprit de sa propre création, suspendu à l’image de Paris sur l’écran de son arrière plan mental, fait et défait des marionnettes vivantes pour son théâtre silencieux, cachant l’amertume de son rejet et expulsion d’un monde occidental qu’il veuille reconquérir malgré tout, …avait visiblement décontenancé la quiétude du commerçant Juif, le vieux Chamoun. Si Ettaher, l’instit hors normes, nous a montré ses élèves en classe, dans les champs, en relation directe avec la nature et sa dynamique, nous invita aussi dans sa maison, a partagé ses fruits et verres de thé aux amandes, ….et du confort de sa position « bio » sur le dos, catapultait le monde avec des projectiles d’idées radicales, que sa femme, détournait admirablement par sa sagesse et son humilité. Kazimir, un vendeur de souvenirs pour touristes, sur les plages de Souihel et Lella Meriem, véritable maitre des plages par son allure de punk, aux cheveux à la Bob Marley, au teint basané, l’œil vif et le verbe tranchant, tombeur de filles nordiques et festoyeur jusqu’à l’aube au point d’affirmer qu’il n’avait pas de temps pour se fâcher… était l’un des personnages intégrés et lucides, à force d’expérience et de fréquentation. Tout de suite après le film, il m’avait affirmé qu’il n’avait pas su combien il était aussi important. Fakher, le cavalier avec sa compagne, qu’il avait mis en esclavage sans appel avec son consentement, avait l’allure d’un véritable cowboy, et chuchotait en complice ses projets immédiats à son cheval « Mabrouk ». De très belles prises de vue ont été réalisées pour l’Allemande « soumise » pendant qu’elle jouait avec les vagues de la mer et quand Fakher et son cheval bivouaquaient dans la compagne en face d’un feu de bois fumant. Lui au moins avait un plan à cour terme, pour revenir construire une maison et garder son cheval au lieu de la voiture. Fatma, la marieuse, jouait un rôle reconnu et honnête dans la société traditionnelle, pour rapprocher les postulants et animer les cérémonies par des chants et des actions réservées aux femmes noires. Elle fait aussi le ménage et la cuisine pour des jeunes célibataires et il n y a pas un brin de racisme dans sa vie ni dans l’attitude des gens envers elle. Son rôle dans le film était important car il ouvre une fenêtre sur un monde libéré par les femmes, pour les femmes, en espaces reconquis aux hommes et leur hégémonie. Ainsi, Zranzis, a réussi à révéler certaines balises de la vie des gens de la ville, entre le réel et le fictif, à travers de petits couloirs, des poches de lumière, des coups de gueule, les inquiétudes individuelles et collectives, la tendance des uns, « Fakhri, Boufalgha, » à partir pour le paradis promis, et la magnifique intégration de « Chamoun, Fatma, Béchir, Kazimir » dans leur milieu naturel qui les enrichis et qu’ils enrichissent. Quand à Zarzis, celle qui avait subi les razzias meurtrières pendant des dizaines d’années, qui avait accueilli et hébergé pendant une trentaine d’années ces même Nouayel Razzieurs suite à la guerre avec l’Italie, accueilli les Juifs, et touts ceux qui sont venus partager la vie sur cette presqu’ile, celle qui a conquis la mer et la terre pour la fertiliser et créer un pole agricole aux portes du désert…est plus grande, plus belle, plus vivante, dans les souk d’El Mouensa, sur les plages de Sonia, les panoramas de Souihel, la sagesse des gens ordinaires, la sagesse commune que l’on peut presque palper en écoutant les discussions entre les gens dans les marchés, les courageux pêcheurs qui bravent la mer pour que nous dégustions le fameux poisson de la région, les couleurs du ciel, des paysages, de marché de tissu des femmes… Ce Zarzis, qui au dessus des gémissements des uns et les caprices des autres, avec tout son monde en effervescence, avec les bons et les mauvais, les voilés et les décapotés, …tend irrésistiblement vers un monde meilleur, dans un tourbillon d’énergie intarissable, et un punsh de vie cascadeur. J’étais frappé au fond de mon cœur, par les coups du bâton sur les carreaux mouillés de l’aveugle Si « Dakhli-Laamouri », un passage inscrit pour toujours dans notre mémoire de compassion et de solidarité. Mais plus terrifié et marqué par le visage distrait et hébété de Chamoun, devant les questions fondamentales du devenir, quand il avait été bousculé par Boufalgha dans ses convictions habituelles. C’était une manifestation de notre désarroi collectif en tant qu’humains, devant les énigmes de la vie, que seul notre foi et notre sagesse commune au dessus des différences et avec les croyances, peuvent nous prémunir des éventuels glissements. Que Dieu bénisse, ces deux personnages, car juste après le tournage du film, l’aveugle avait été renversé par une voiture anonyme et le juif succomba à une maladie sévère. Un film réussi, révélateur, une image, de la multi culturalité, de la cohabitation ethnique et religieuse, un spot de lumière sur une réalité typique de civilisation locale, d’éthique comportementale, lisible dans la synthèse des rôles, des personnages et dans le mouvement collectif dans le sens de la civilisation universelle, qui reste, désormais, notre but ultime, avec nos valeurs et apports de culture et de religion. Zranzis, est une sorte de « brainstorming » artistique et cinématographique de haut niveau, pour que Zarzis, réalise ses valeurs acquises et s’inscrit dans le parcours humain pour un monde meilleur. 12.03.2010 Lihidheb mohsen

1 commentaire:

  1. Merci, si Mohsen pour ces mémoires, très enrichissantes juste une petite précision Mohamed Zran a eu son Bac au lycée de houmetsouk à Jerba puis il est parti en France ou il a étudié le cinéma à Paris.

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