lundi 12 septembre 2016

Portraits et sagesse 51

Abderrahman Souei Plus connu sous le nom de Rahman, il grandit en plein dans la population traditonnelle de la région de Chkirbane, Zarzis, où il s'est fondu dans sa mer, son oasis, ses gens, ses coutumes, ses valeurs, ses rêves et sa sagesse collective. Aprés ses études, il milita dans le parti communiste, puis Ettajdid et enfin El massar avec son ami le regretté Ahmed Brahim. Il était trés actif et en paralléle avec son travail en tant que coiffeur, prefesseur de coiffure, pêcheur, guetteur de Ouzeff, pêcheur à l'épervier...il s'occupait des manifestations politiques et le travail bureautique. Il était et il le reste toujours, un homme de terrain, un homme d'action, que Boughmiga rencontrait dans les endroits déserts et lointains où seuls les highlanders se rencontraient. Malgré ses diverses maladies, il les surmontaient toutes et travillait comme un fou, dans une sorte de thérapise par l'action de terrain et la possession de l'ambiant. Quand il devait aller faire sa chimiothérapie trimestrielle, à Tunis, il reprenait aussitot le travail le lendemain de bonheur comme si de rien n'était. Malgré son option politique suggestive, il fit son pélérinage à la Mecque et jouit d'une grand quiétude morale et intellectuelle. Respect et gratitude, pour son surpassement du soi, son abnégation et son devouement à sa patrie. Rahman, le Viking de Zarzis. Il faisait encore noir, quand je me suis arrêté devant le café-boulangerie-épicerie de Chkerbane sur la route vers Bengardane…pour acheter les provisions nécessaires pour un long périple d’une journée de vagabondage dans la région d’El Ketf. De l’eau, du pain, du fromage et un café emporté….mais en descendant de la voiture, j’ai trouvé mon ami Rahman, à me dévisager de ses yeux noirs scintillants au dessus de sa barbe Guivaro-Salafiste et sous son béret de résistant à la Chokri Belaid…visiblement désemparé par le manque de transport vers le lac El Bibane, où il exploite avec un associé, une unité de pêche intra-lagunaire autorisée. Malgré mon intention d’aller vers El Ketf, du coté de la Choucha j’ai répondu aux mouvements de la providence, en accompagnant un ami organiquement militant que je connais depuis très longtemps sur le terrain du combat citoyen et l’action anti fasciste. En effet, notre relation est très ancienne, quand il avait un salon de coiffure, où on jouait aux échecs et discutait politique quand celle-ci était tabou et répréhensible. Notre parcours s’est un peu éloigné quand il avait adhéré aux partis de gauche pendant que je suis resté penseur libre, DonQuichottien et activiste humanitaire et écologique indépendant. Quelques fois, on se rencontrait lors des manifestations culturelles et autres en ville, mais on se croisait surtout sur les plages désertes de Lemsa, là où rares qui se risquaient à se hasarder seuls…comme deux monstres indescriptibles, qui se saluaient de loin…Salut Boughmigaaaaa…..Salut Rahmaaannn… sans s’arrêter, car, chacun de nous était encastré, incrusté, dans son parcours de mouvement et d’action. Avec un effort sur humain, il avait résisté à plusieurs accidents très sérieux de maladies….et brilla de sagesse quand il avait supporté l’accident mortel de son fils, par le sourire stoïque, sa passion de vivre et la foi indéfectible en Dieu. J’étais chaque fois, admiratif, devant sa force et sa détermination à surpasser toutes les difficultés, au point de le voir, se réveiller à trois heures du matin, pour aller se battre avec la mer à Ras Ettrab, à retirer ses filets de pêches, pendant les tempêtes et les intempéries, sur sa petite embarcation de fortune. Cette fois, quelques années après, pendant que tout le monde vieillit, voilà encore Rahman actif et débordant de vie. Il insista pour m’acheter un café emporté et nous nous dirigeâmes vers le lac El Bibane…pour sauter dans la « Kanouta » à moteur. Bien sur, dans ces conditions de flottaison, de vagues, de retraits des filets, de récolte du poisson, de navigation par les avirons….je n’avais pas beaucoup d’expérience et je ne servis qu’à assurer l’équilibre de l’embarcation par mon poids respectable et quelques fois ramer un peu quand mes deux compagnons étaient submergés par les algues et les crabes dans les filets. Debout, Rahman restait trois heures à déposer ou retirer les filets et chaque fois qu’il voyait un poisson de pris….il chantonnait en guise de signal à son matelot… Terbahhh……et l’autre répondait…..Terbahhh wa Tisssaaadd…dans un air qui correspondait avec le mouvement des vagues et le balancement de la « Kanouta ». Bien sur, le ton et la hauteur de la voix, montaient en fonction de la taille du poisson et l’importance de la prise. De temps en temps, il jetait les poissons dédommagés par les crabes, aux oiseaux marins qui nous entouraient dans l’attente de ces offrandes qu’ils se disputaient longuement dans des vols poursuites amusants. J’en avais compté une quarantaine qui nous survolaient et surveillaient nos mouvements qu’ils connaissaient par instinct et souvent réagissaient à la fraction de seconde au jet de poisson et s’en abstenaient quand le jet est une algue. D’ailleurs, les oiseaux étaient capables de savoir à distance si le poisson jeté était comestible pour eux ou bien impropre à leur consommation et le négligeaient le laissant s’enfoncer dans la mer. J’avais aussi pour tâche de frapper sur les planches à l’aide d’une pierre, pour faire du tapage et envoyer les poissons effrayés dans les filets, ce qui a confirmé son utilité quand on trouvait tout de suite des poissons encore frétillants dans les filets. J’étais toujours surpris par l’endurance de Rahman, qui restait en équilibre pendant quatre heures à travailler dur malgré sa maladie grave, une leucémie qu’il est entrain de traiter par la chimiothérapie et le soir même il devrait aller à Tunis pour une séance à l’hôpital. En effet, le lendemain, après deux nuits de voyages entre Zarzis Tunis Zarzis et une journée de traitement, Rahman, le superman, le fantôme de la mer, m’avait téléphoné pour un raccompagnement au même endroit pour la même tache, mais cette fois, il avait engagé un autre marin car le premier avait un empêchement familial. Cette fois, la mer du lac était houleuse et les vagues poussées par un vent d’ouest fort, ne ménageaient guère l’embarcation ni ses occupants et je devais faire un grand effort, accroché aux planches, pour maintenir mon équilibre. J’étais encore surpris de la force de mon ami, surtout après un aussi long voyage exténuant et une séance de chimiothérapie…sans dormir, ni se reposer. Cette fois, j’ai du aider en ramant contre les vents, les vagues et les courants pendant que mes amis retiraient les filets et une fois j’ai failli envoyer Rahman dans la mer froide, par un coup de rame brusque, ce qui m’avait valu un coup de gueule de marin. C’était des conditions de tempête et les cotes de Bengardane et d’Ejdaria étaient peu visibles et il nous a fallu beaucoup d’efforts pour localiser les flotteurs indiquant les emplacements des filets au point de les confondre avec celles des autres pêcheurs. A un moment le moteur est tombé en panne et Rahman mis un temps pour le réparer avec des outils de fortune, soit, une pierre utilisée normalement pour le tapage, en guise d’enclume, un clou qu’il fallait casser en deux, un morceau de fer en guise de marteau et le tout sur une embarcation dansante sur une mer houleuse et des mouvements violents. A terre, après quatre heures de navigation, je sentais encore la terre se balancer autour de moi, mais, avec toujours dans l’esprit, beaucoup, d’admiration, de respect et de solidarité, à mon ami, le véritable surhomme de la mer, Abderrahman Souei, le Viking de Zarzis. Tirbaaah…..Tirbaaah wa Tissaaad, Si Abderrahman. « Récompensé par la Baraka, Oui…et tu en es heureux. » Lihidheb mohsen éco artiste Zarzis 19.11.2014

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