dimanche 11 septembre 2016

Portraits et sagesse 47

Jouneidi Ben Hamed Un jeune licencié en anglais, chomeur depuis une dizaine d'années, fait de son mieux pour faire la "maramma" à Zarzis, sans attendre son tour pour l'emploi, ou rester dans le café et soutirer de sa pauvre mère quelques sous de son noeu de fouta. En effet, depuis sa réussite scolaire il n'a pas céssé de travailler dans les chantiers, chez les particuliers et suivre son destin. Une attitude d'intégration et de lucidité, réaliste et pratique, lui permettant de naviguer un peu et vivre sa vie. Il arrive souvent qu'il fait du travail supplémentaire chez d'autres gens, aprés avoir fait son travail régulier de la journée, pour pourvoir à ces besoins et celle de sa famille à Majoura Gafsa. Touché par l'esprit de l'action mémoire de la mer et de l'homme où il fait de petits travaux quelques fois, il commença s'intéresser au patrimoine de sa région et pense faire un petit musée pour sauver la mémoire de ses montagnes. Respect et reconnaissance à Si Ben Hamed, souhaitant qu'il trouve bientôt du travail et un grand chapeau aux concitoyens de l'intérieur qui viennent par milliers s'activer dans la presqu'ile de Zarzis. Des travaux dans la construction et les services dont quelques uns s'activent dans la pêche. Il y a plusieurs aussi qui font de l'agriculture surtout pendant la saison de cueillette des olives et dans les huileries. Il sont de Gafsa, de Sned, de Majoura, d'El Hamma, du centre et plusieurs cadres de l'administration déclarent qu'ils avaient travaillé à Zarzis dans leur jeunesse et ils en ont un bon souvenir. Ils sont des milliers pendant toute l'année, coéxistent avec les gens dans des habitations modestes et se tiennent par groupes dans les paces du centre ville à Zarzis, à El Mouenda, à Souihel et à Chammakh. Comment ferait la vie économique sans ces gens valeureux et braves. Un chapeau de reconnaissance à toute cette catégorie de gens, créatrice de richesse et génératrice d'énergie constructive. Racisme, à répétition. L’affluence était extrême et les gens se bousculaient pour arriver les premiers aux agents… Ils étaient en majorité des vieilles et de vieux attendant avec passion leurs rentes mensuelles ou leurs maigres retraites, un montant minimal, rattrapé de justesse de quelques travaux de chantier populaire colmatés par des déclarations approximatives aux caisses, ou suivant un programme étatique d’intégration des personnes non couvertes socialement. Plusieurs femmes au foyer en profitèrent en ces moments, pour se libérer un peu du joug de l’homme. Il fallait bien payer l’eau, l’électricité, le téléphone et les diverses factures qui mettaient ces gens au pas de la consommation importée avec le protecteur. Ils étaient habitués autrefois à la liberté et la gratuité de la vie dans cette ville travailleuse, quand tout se passait grâce au troc, aux échanges de travaux et de la force des bras. C’était un rendez vous important et les anciens, se rencontraient fièrement à cette occasion unique en dehors du rituel de prière ou à l’occasion d’une mort de personne, pour se lancer des remarques ironiques sur le passé et leur santé en baisse à vu d’œil. Ils résistaient encore grâce à leurs anciennes activités physiques au travail et leur bonne nutrition saine et locale. Couscous, Zoumita, poissons, olives, légumineuses, cactus, figues, dattes… Boughmiga, en tant que responsable, faisait de son mieux pour assurer l’accueil, l’organisation et la rapidité du service, mélangeant, une approche conviviale d’autogestion et la démarcation manifeste des lois, fixistes et bloqueurs des rapports sociaux. Une approche très mal vue par la hiérarchie administrative, voulant des fonctionnaires purs et durs et généralement barricadés derrière les lois et la législation en la matière. Il lui fallait bien gérer toutes ses données quelques fois contradictoires, surtout, quand la pression était constante et chaque, il y avait au moins un chargé de mission pour lyncher Boughmiga par des remarques visiblement réglementaires, un fic en civil, un cadre du parti envoyé exprès, un collègue délateur constant, un client branché, un inspecteur régional et son staff, une descente de la capitale, un procès verbal inique, une mise aux archives…mais toujours Boughmiga parvient à s’en sortir grâce à sa capacité d’encaisser, son engagement passionné au travail et sa foi Dieu. Bien sur, ce rituel politique synchronisé, se passait à tour de rôle toute la semaine et se répétait la prochaine jusqu’à l’infini au point que Boughmiga l’avait pris en charge en tant que mal nécessaire, il suffisait d’apprendre à respirer dans les archives, assimiler les coups et les menaces et payer de sa propre les contraventions bimensuelles au sujet de la circulation et autre pendant des années. Un jour, deux jeunes hommes cherchèrent noise à tout le monde et voulurent se laisser servir en premier malgré les protestations des vieux, ce qui avait poussé Boughmiga à les inviter dans le bureau pour calmer leur comportement étrange. Malgré les bonnes paroles, les arguments d’équité pour la bonne marche du service, ils ne voulaient rien comprendre et Boughmiga changea de tactique pour les laisser dans leur dimension d’intrus à la règle. Ils avaient peut être des connaissances influentes et devant l’ignorance et la neutralité imposée par la nécessité du travail était requise. Après plusieurs tentatives de comprendre l’attitude récalcitrante et surtout le dénigrement personnel et confirmé dont Boughmiga comprit plus tard, que tout se basait sur sa couleur de sa peau. En effet, pendant cette période, il avait déjà entamé son activité parallèle d’écologie et de reconquête de la mer, ce qui avait donné à sa peau, tanné par le soleil, une couleur presque noire, malgré la bonne présentation vestimentaire. Toutefois, demander à des jeunes citadins d’admettre un haut fonctionnaire, aux couleurs d’un marin endurcis ou un travailleur de chantier….était au dessus des disponibilités comportementales et intellectuelles. Une sorte de racisme gratuit et spontané prévalait encore, pour un sujet qui sans justification. Vingt cinq ans plutard, en retraite, Boughmiga en tant que président de l’association des amis du livre, avait été invité à l’inauguration d’une bibliothèque scolaire par l’illustre ministre de la culture. A l’occasion, sur le moment, il avait été accompagné par un ami de l’intérieur du pays, jeune diplômé du supérieur sans travail à ce niveau et poussé à faire le travailleur ordinaire des chantiers de Zarzis. Cette attitude que Boughmiga avait beaucoup respecté et l’aida souvent à faire de petits travaux au musé et autre, en attendant une réussite au capés ou une fonction adéquate. Une relation de respect mutuel et d’admiration, surtout quand ses semblables passent leur temps à attendre un poste qui se fait longuement attendre. Il était relativement intellectuel, lisait beaucoup surtout après l’influence de Boughmiga et son abonnement à la bibliothèque et s’intéressait aussi sur le net à sa région montagnarde du sud ouest sur les plans du patrimoine et de la botanique. Les cérémonies de l’inauguration étaient biens, en présence, des gardes du corps, des journalistes, des fonctionnaires stressés, des éternels figurants… et mon ami l’ouvrier diplômé m’accompagnait d’un endroit à un autre. Une fois il s’est éloigné un peu de moi et pendant que je jaugeais la teneur du texte d’une signature au livre de l’école, un groupe de personnes m’appela par mon nom dans une partie de l’établissement. C’était mon ami, l’ouvrier, entouré par une demi douzaine de policiers en civil, en train de montré ses papiers chiffonnés et répondre à leur questions. Sachant foncièrement, son innocence dans tout les cas, j’ai laissé au temps du temps pour comprendre qu’ils avaient suspecté sa présence « incongrue » d’après eux, d’un jeune robuste, aux muscles saillants, à la cœur sombre et l’air peu assimilée à la mécanique. Malgré la virginité de ses documents d’identité, les excuses des flics réunis et son invitation cordiale à boire quelque chose du buffet préparé à cet effet, j’étais en colère contre ce comportement raciste de la part de personnes officielles, envers un citoyen, dans un lieu publique et ce n’était que la crédibilité intellectuelle du l’illustre ministre, qui avait empêché Boughmiga de hausser le ton et éclore cet incident. Il avait été sévère quand même et son « protégé dans son bled », avait eu droit à la sollicitude générale. Un racisme primaire, pour les deux cas, au vol, au pif, chez les officiels et les particuliers expansifs… surtout après la révolution des mauvais et des bons, mais un comportement qui reste à condamner dans toutes les conditions et Boughmiga faisait ce qu’il pouvait. Lihidheb Mohsen Eco artiste Zarzis 20.08.2015

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