dimanche 26 juillet 2020

Portraits et sagesse 151

Mohamed Ridha Souei Ou bien, Mohamed Ridha ben Sadok Lamine Souei, un homme issu d’une famille moyenne de la ville de Zarzis, vivant de la pêche et de l’agriculture. Son père Sadok, avait acquis le surnom de Lamine, « l’homme de confiance », quand il avait fait preuve d’honnêteté et de courage lors des contrebandes avec la Lybie, une activité normale autrefois et illégale seulement pour le régime colonial. Quant à Si Mohamed, d’une intégrité et lucidité étonnantes, avait fait des études à Zarzis et Djerba, pour se diriger vers sa vocation dans l’industrie navale. Au début, il avait travaillé auprés du constructeur naval, Si Mohamed Chaabane en tant que comptable et pour lequel il afffirme qu'il lui resterait toujours recnnaissant, puis avait fait son propre atelier. Bien sûr, avec la construction d’a à z de presque trois cents chalutiers, consolidant la flotte de pêche locale et des profondeurs, il reconnait avec une grande fierté, sa passion et son application dans cette ligne constructive. Nous avions depuis une quarantaine d’années, une bonne relation, surtout quand il signait volontiers mes diverses pétitions contestatrices et dénoncés par les régimes, pendant qu’il devait se conformer, comme les autres, à l’acquiescement des instances politiques. D’après lui, et lors d’une visite du premier président Bourguiba, il avait refusé volontairement d’applaudir son arrivée, ce qui lui avait valu un questionnaire d’un policier venu du gouvernorat pour l’occasion et n’en sortit que quand il prétexta sa préoccupation au sujet d’un chèque impayé lui tombant dessus le jour même. Depuis lors, nous parlions lors de rencontres fortuites et à chaque fois, il me perlait de ses conditions de travail et comment les ouvriers spécialisés se font de plus en plus rares, sinon, de plus en plus revendicatifs et chers. Déjà, son malaise était sérieux avec le secteur et voulait s’en retirer. Je liais toujours sa condition avec ce qui était arrivé aux industriels et investisseurs de la période, détruits, harcelés, déconstruits, sabotés, trahis…jusqu’au bout par une politique machiavélique et des banques qui avaient invité les émigrés à rentrer et investir dans le pays, pour les dérober carrément et fermer à jamais, une opportunité d’émancipation de la région, voir du pays. Jusqu’aujourd’hui, des dizaines d’usines en ruines, sont visibles avec leurs matières premières, leurs hangars désaffectés et leurs machines béantes. Cette fois, quand j’ai rencontré mon ami, Si Mohamed Ridha, l’ex jeune industriel, l’homme plein d’élan constructeur et de promesse, il vendait des pastèques dans le maché hebdomadaires, satisfait, heureux et fier de son indépendance vis-à-vis de toutes les contraintes iniques. Il avait cédé son usine, pour acheter des terrains, qu’il cultivait biologiquement et dans les normes locales. Lihidheb Mohsen 26.07.20

jeudi 23 juillet 2020

Café Kranzler, Zarzis.

Situé juste au milieu du village, dans l’oasis au bord de la route, entre la colline longitudinale et la mer, dans une forêt festive de palmiers, de champs de sorgho, de grenadiers, de légumineuses…, le café Kranzler, nommé par les clients en référence au célèbre local Berlinois, recevait du monde, beaucoup de monde, surtout au début de la soirée. Le tourisme était dans ses débuts et sans être invité, s’installa confortablement dans le village, sans prévenir et sans précautions. A cette date, le tapage de l’animation des touristes, n’avait pas pris place et après le diner, ils affluaient par groupes sur la route encore ensablée, entre les haies de cactus, d’agaves et d’aloès, vers le dit café. Ils étaient en majorité des Allemands, ce qui avait facilité l’acceptation mutuelle avec les autochtones, encore sensibles aux problèmes latents souvenirs du protectorat. En rentrant de la mosquée, certains notables jetaient un coup d’œil protecteur à cette fusion sociale et s’attardaient à déguster une boisson gazeuse. Le café servait de l’alcool aux étrangers, mais aussi aux clients de la région, sans grande référence à son interdiction par les croyances, ni une réaction conflictuelle. Il faut dire que les producteurs vendeurs de la sève de palmier taillé, fournissaient aussi ce jus fermenté et alcoolisé pour les jeunes le soir. L’un de ces fameux producteurs consommateurs, faisait sa cuite mensuelle directement à partir du grand bassin plein et restait trois jours dans l’inconscience au même endroit, sous le soleil torride, sauvé seulement par sa santé naturelle et la rotation de l’ombre des palmiers. On n’aimait pas l’alcool, mais à partir de cette tradition peu méchante, le phénomène et surtout la prolifération des restaurants et hôtels, n’avaient pas choqué les locaux, tant qu’ils fournissaient de l’emploi, lors de la construction, l’activité et leurs retombées indirectes sur la région. L’attraction du café Kranzler, n’était pas uniquement pour les touristes, mais aussi une curiosité sociale pour le spectacle offert par le groupe folklorique de Zarzis, « Gougou ». Une troupe composée de noirs et offrait plusieurs danses collectives et prouesses acrobatiques. Sur une cinquantaine d’année, il n’y avait qu’un seul blanc avec eux, une sorte de cornemusier. Le Tam-Tam attirait du monde, les belles blondes, les cliquetis des bouteilles de boissons gazeuses, les artistes comme Abdelmajid, El Kabou, Tillizza…faisaient le reste. Pour la petite histoire, par répartition tacite et conventionnelle des rôles sociaux, ces Co-paysans noirs avaient leurs analogues auprès du monde féminin, actives lors des mariages, festins, circoncisions, cérémonies de pèlerinage, comme Bit Zouida, Zaagua, El Mreguya, Fatma Bit Gueraa…, qui complétaient le paysage binaire celui des hommes et celui des femmes. Un jeune corpulent était affecté à maintenir l’ordre, myope et assez moche au point que les jeunes étaient jaloux de le voir exclusivement sortir avec de belles blondes du nord. Le soir, il ne pouvait distinguer les personnes à l’entrée du café Kranzler et se limitait à les sentir pour vérifier s’ils n’étaient pas ivres et risquent de déranger la fête. Ce petit monde, avait engendré plusieurs vedettes, réputés par leur habilité à servir les clients, d’autres dans l’animation, encore dans la capacité à maitriser les langues et bien d’autres dans les succès avec les femmes étrangères. On se rappelle encore des braves comme Zaggout, Nouayli, Rober, Néjib, Zran, Gribaa, Dhib, Kazimir, Hdey… et bien d’autres. La fête continuait jusqu’à une heure du matin, avec plusieurs spectacles de groupes folkloriques de la région, les dizaines de touristes qui n’hésitaient pas à descendre sur la piste improvisée pour danser sous les regards de la centaine de curieux et les clients locaux. Avec le temps, les hôteliers, se sont aperçus de l’utilité de maintenir les clients dans l’hôtel, pour consommer localement et en profiter au maximum…au point de faire des programmes hebdomadaires de spectacles d’orchestres, des prestidigitateurs, des groupes folkloriques et de l’animation engageante dans les hôtels même. Depuis les années quatre-vingt, les habitants du village, suivaient malgré eux du seuil de leurs maisons, ces programmes et la musique, au point de savoir la nationalité des clients, leurs langues, le tourisme de masse, le tourisme des pays de l’est…une perturbation acoustique qui perdurait jusqu’à tard dans le soir. Ainsi, cette période resta un souvenir et cristallisa un comportement spontané et sincère, avec un tourisme de qualité et foncièrement humain. Plusieurs d’entre eux revinrent après quelques années, pour rester bouches bée, les yeux en larmes, devant la transformation de l’oasis, le tarissement des puits et le bétonnage excessif du village. Pourtant, une dizaine de milliers de jeunes de tout le sud furent formés et ont travaillés dans les hôtels, un tremplin social assez important pour les marchands de services et de l’artisanat et une manne culturelle universelle pour tout le monde. Il faut dire qu’il y avait une certaine étanchéité entre le social local et les effets du tourisme, qui véhiculaient en parallèle des infrastructures ghettos et l’enfermement comportemental de la famille locale. Malgré tout, on pouvait noter des effets négatifs sur la scolarité en face d’un flux migratoire régulier d’un débit important. Voilà un spot, un focus, un rayon de lumière sur l’histoire contemporaine locale de Souihel, du café Kranzler…et des péripéties ambiantes. Une période conforme à l’élan collectif, vers l’humanité des hommes. Lihidheb Mohsen 23.07.20