dimanche 28 février 2021

La Choucha, un espace vital pour la région.

 


                  


En effet, laisser ces terres en veilleuse, sauvages et inexploitées que ce soit pour le cheptel, les céréales et même les plantations, ne peut tout de même durer aussi longtemps et devrait trouver une issue honorable et satisfaisante pour toute la région. Sans position partisane, ni alignement quelconque, vis-à-vis de qui que ce soit, à part la fructification des richesses du pays, pour l’intérêt commun.  Bien sûr, la mainmise de l’état, sur ces quatorze mille hectares du littoral, pour des raisons discutables, ne peut tout de même encore perdurer, au détriment d’une exploitation juste et équitable. Des terrains incontestablement bien établis, départagés depuis longtemps entre les tribus du littoral, en contre partie de terres de l’intérieur trente fois plus grandes pour les voisins de toujours. Un départage préalable et convenu, qui faciliterait énormément aux tribus d’octroyer aux familles l’appropriation de leurs lots. Ce qui créerait, de toutes les façons, une exploitation des terres pour l’agriculture et une possibilité de vente régulière afin de rompre avec le statut de terres collectives et entrer dans la diversité des propriétaires et exploitants, pour le bien commun. Une occasion en or, pour sortir du statique, vivifier la région et de continuer la compétition honorable, pour faire des oliveraies partout et profiter des potentialités agricoles et humaines de la région. Devant les difficultés de la situation actuelle du pays, la conjoncture internationale, les défis économiques et civilisationnels qui risquent d’investir et pervertir notre pays au galop, il va falloir se ressaisir, se débarrasser des veilléités ethniques et régionales, pour affronter le futur avec courage et lucidité. Une solution, qui prévaudrait l’exploitation agricole uniquement, tout en interdisant les constructions en dur, sauf pour les projets d’intérêt public en perspective.

                    Une approche, qui reste responsable, ciblant le bon sens et le patriotisme de toutes les parties, sans tomber dans le sectarisme primaire, Ô combien dépassé par le temps et les évènements. Bien sûr, comme toujours, il y aurait des récalcitrants, d’une partie ou d’une autre, instrumentalisant la situation pour des fins politiques ou iniques, mais ces bâtons dans les roues, se casseraient certainement, devant la lucidité, la sagesse et la bravoure de nos concitoyens. Un partage intrinsèque et intra, suivit de ventes à l’amiable et volontaires, serait un boom économique et agricole pour cette région semi désertique, qui devait exploiter jusqu’au bout chaque parcelle de terre fertile dans notre pays.

                     Une initiative visionnaire, confédératrice, appelant à fructifier la région, pour le bien commun. 

                                  Lihidheb Mohsen éco artiste,

                                   Activiste social 28.02.2021

vendredi 26 février 2021

Portraits et sagesse 155

 


Habib Abichou « Rawwan »

                    Fils du village et de la vie paysanne traditionnelle et d’une famille relativement aisée de propriétaires terriens, Si Habib avait fait des études pour devenir infirmier, juste après l’indépendance, quand la population avait tant besoin de corps, pour lutter contre la teigne, la conjonctivite, la tuberculose et la variole. Il faut dire qu’il était le fils de Cheikh, chef de secteur local et tribal, de conciliation et d’accompagnement des affaires des villages. Un père d’une grande personnalité, acquise sur le terrain de la vie et surtout son acuité visuelle pour la pêche aux éponges, qui fit sa notoriété et le poussa à la chefferie. Quant à Si Habib, de par son métier, il fit du bon travail, en n’hésitant pas à travailler dans les régions isolées, comme Ejdaria et autres. Ainsi, lançant des focalisations au hasard sur sa personnalité, je reconnais qu’en tant que scout, il était le premier, juste après l’indépendance à nous initier à faire des exercices physiques et de nous faire apprendre des chants divers dont je me rappelle encore sans comprendre le sens de certains…  « Frère jacques frère jacques… » ou « Tchaoo onanée… », un encadrement très important pour des jeunes villageois tendant vers la culture et l’éducation. Quant il avait eu sa retraite, il n’arrêta pas son travail humanitaire et participa à des expéditions et compagnes sanitaires internationales pour soigner les gens pauvres dans des pays africains.

                  Maintenant, malgré son âge, dans les quatre-vingt ans, il conduit toujours la voiture et reste fidèle à sa visite annuelle au bain traditionnel d’El Hamma, où il trouve sa quiétude, un regain de santé et une affirmation personnelle. Bravo, Si Habib, il suffira de réduire la conduite, Okba et les autres, auraient certainement le plaisir de t’accompagner selon ta volonté. C’est autour des autres de servir.

                                   Lihidheb Mohsen 26.02.2021

mardi 23 février 2021

Boughmiga, honore les anciens...

 


                  



Comme dans son mouvement, quand il faut joindre l’utile à l’agréable, faire une sorte de sport de grandes marches, tout en nettoyant méthodiquement les plages, les campagnes et entourages, ce que faisait les anciens dans tous les domaines, en profitant naturellement de toutes les occasions, joignant les mouvements synchronisés afin de ne pas perdre du temps et reconvertir le tout en produits semi finis ou quelques fois finis. Nos ancêtres avaient apprivoisé les animaux pour la viande, le lait, la laine, le labour, le transport, les tractions dures et l’accumulation disponible et génératrice de richesses. La laine, ce produit noble, était cardé et filé par les bonnes femmes, après des réunions festives « Raghata » pour le cardage par des jeunes filles robustes, le filage, était fait par des femmes mures qui le faisait même en gardant les moutons, ou marchant dans la rue et même en rendant visite à des voisines. Une grande bottine de laine entre le ventre et l’habit, le fuseau à la main et le bout du fil dans l’autre, qui servait aussi à le frotter sur la cuisse ou sur l’extérieur de la jambe pour le faire tourner et transformer la laine touffue en un fil solide qu’elle enroulait sur le fuseau aussi. Quelques-unes fabriquaient une installation de tissage des bandes « Flij » pour les assembler et en faire une tente à partir du poil de chèvres. Pour la manufacture de la laine, pour le transformer en draps de laine et « Wazra » pour les hommes, il y avait des dizaines d’artisans Djerbiens qui avaient investi les Ksars du littoral et autres endroits pour faire ce travail commandé. Les femmes leur apportaient les gros ballots de laine filé pour les reprendre un mois plus tard, en couvertures confortables. Pour les hommes, cet habit, sous forme de grande étoffe en laine, était en couleurs selon les tribus, bleu beige pour les Akkara, rouge pour les Twazine et Hwaya, et blanc pour les Wderna et autres. La Wazra, porté par l’homme adulte, avait plusieurs fonctions, d’habit, de tente, de parasol, de drap, de coussin, de chauffage et climatiseur car la laine garde la chaleur et le froid selon les saisons. Pendant la moisson, les travailleurs la nouaient à leur milieu et attaquaient les plantations d’orge et de blé, comme des machines. Il faut donc imaginer, la scène quand le thé bouillait sur les braises à même le sol, surveillé par la dame qui gardait aussi les moutons tout en roulant le fuseau sur sa jambe découverte à l’occasion, pendant que les enfants, jouaient à faire des anses de jarres cassées, des moutons rigides et peu encombrants.

                   De leur côté, les hommes solides, allaient pendant trois mois, à la pêche aux éponges aux environs des Îles de Kerkennah, pour vendre leur récolte à Sfax, passer à Djerba pour acheter les plants d’oliviers et ne rentraient au village que quand ils avaient planté et irrigué les oliviers. C’était ainsi, en chevauchant, le temps, le mouvement, les espaces, qu’ils avaient transformé cet animal marin, en oliveraie verdoyant, leur fierté.

                   Comme on le sait, il n’y avait pas de déchet et chaque objet avait son rôle ou recyclé complètement, tant la vie était totalement intégrée dans l’organique renouvelé. Quand un palmier tombait, il était automatiquement transformé en produits pour les gens et nourriture pour les animaux. Palmes et troncs pour les constructions de cabanes, jus et cœur de palmier, produits pour faire le feu pour la cuisine, régimes secs pour nettoyer devant les maisons, cordelettes, matériaux pour faire des tamis pour les olives, des chapeaux de paille, des couffins, de petits silos…. Je me rappelle encore, comment les deux frères coiffeurs du village, « Ouederni », fabriquaient touts ces objets en dehors de leur travail initial, soit, des chapeaux de pailles pour l’été et le reste pour la cueillette des olives. Mais la merveille, était que ces deux braves frères, continuaient à tisser en marchant vers leurs lieux de travail et dans la boutique quant il n’y avait pas de client. Une constance au travail utile et une merveilleuse raison de vivre. Dans le même sujet, Boughmiga avait fait un poème il y a quelques années, qu’il ne retrouve plus à cause des centaines d’écrits entremêlés, au sujet d’un aveugle, de la région de Sango, qui filait avec les pommes de mains toutes les journées les palmes en cordelettes, « krera » dont les cercles s’entassaient avec l’action, et quant des troupes de l’armée allemande était passé devant lui à plusieurs reprises, certains soldats l’avaient qualifié ironiquement de machine humaine qui faisait des cordes sans fin.

                   Cette synchronisation, le temps, l’espace et le mouvement, avec le circonstanciel et les happenings, dont nos ancêtres et parents avaient excellé l’adaptation et l’intégration mutuelle de l’être et l’acte. Pendant la cueillette des olives, les paysans devaient se déplacer avec leurs tentes, leurs moutons, leurs poules, leurs chiens et l’indispensable paire d’échelles pour parvenir aux sommets des arbres. Toutes les journées, les adultes travaillaient et les enfants aidaient à ramasser les olives du sol des arbres. La cuisine, au bois, était toujours succulente et toutes les familles s’asseyaient autour de la marmite au-dessus des flemmes de feuilles vertes. Dans cette ambiance, les femmes n’arrêtaient pas de continuer le travail malgré la fatigue, en épluchant les olives des petites brindilles collectés pendant la journée. Des olives que normalement, les bons pères de familles, donnaient volontiers aux femmes et les autres pour les encourager, mais ce n’était pas toujours le cas de cette générosité. Il y avait même des hommes durs, qui pour ne pas laisser les femmes oisives après cette tâche et exploiter le temps restant avant de dormir, faisait apporter des sacs de dattes pour qu’elles les décortiquent et les rendre à sécher dans les maisons en attendant d’autres quantités la nuit suivante. Un travail dur, à plein temps et sans répit, qui ne laissait pas la place à l’oisiveté. Ce n’était pas seulement l’homme qui gérait les choses avec intransigeance, mais les vieilles femmes aussi, meurtris des difficultés de la vie, se comportaient avec rigueur dans ce genre de circonstances. Alors certaines d’entre elles, le soir, refusaient aux belles femmes et autres, le droit aux olives rassemblées, mais ces dernières usaient de ruses pour reconquérir leur droit. Loin des regards, elles remplissaient les jarres d’olives, prétextant aller chercher de l’eau, le vendaient aux « cantines » disséminés dans tout l’oliveraie à l’occasion. Avec l’argent elles achetaient de la « Chamia » pates sucrés qu’elles cachaient au fond de la tente et des cacahuètes pour le thé du soir. Mais comment fallait-il faire pour que la vieille matriarche ne s’aperçoive pas de la tricherie ! alors, quand l’une d’entre elles commençait à griller le fruit sec, l’autre se préparait pour applaudir gaiement et étouffer chaque fois, le bruit de ce vacarme, sur le bruit de déplacement des fruits au fond de la tasse pour qu’ils ne brulent pas. Une ruse sympathique, vis-à-vis d’un comportement particulier, dans des temps beaux, mais difficiles.  

                    Ainsi, dans des temps difficiles, les gens aussi étaient difficiles, quand ils allaient à la Choucha pour rentrer avec des centaines de tonnes de grains et encore plus de bottes de foin à dos de chameaux ou sur les barques à voile. Comme ils allaient en expéditions collectives pour la pêche aux éponges, traversant les courants d’eau et gérant les risques divers… Aucune comparaison avec les temps qui courent, descendus de nos montures, sans parcours ni boussoles, attendant l’espoir d’une renaissance, collective, ne serait ce que pour imiter nos vaillants ancêtres….

                                     Lihidheb mohsen 23.02.2021