lundi 10 mai 2021

Migration organisée et humaine

 


                 


  A partir de la Tunisie, croisement des parcours depuis l’homme primitif, vers le nord, vers de conditions meilleures de vie, Boughmiga fait sa lecture, de constat et d’approche. Comme les animaux et les insectes, depuis la nuit des temps, les hommes ont migré dans touts les sens, dans un élan naturel, quelques fois conquérants, d’autres conviviaux, mais toujours pleins de croisements et de culturalité civilisationnelle. Le sud de la Tunisie, est parsemé des traces de l’homme primitif, pour avoir une aire majoritaire du paléolithique et des poches ouvertes bien précises du paléolithique, à Zarzis, Remada, Douz et bien d’autres. Juste pour avoir une idée sur la région, on peut souligner le passage consécutif des premiers groupes humains en mouvement, les Garamantes, les Capsiens, les Berbères, les Phéniciens, les Romains, les Nordiques, les Arabes, les Egyptiens, les Hébraïques, les Ibériques, les Anatoliens, les Maltais, Le Italiens, les Gaulois…, pour finir avec la prédominance incontestée de l’Arabo-Musulman sur les plans culturels et linguistiques. Un cumul, de cultures, de savoir-faire, de brassage génétique, qui ont abouti à l’homme d’aujourd’hui, averti, paisible et ouvert.

                   Ne retenant que les mouvements volontaires des gens vers le nord, surtout pendant les années de sècheresses, celle des travailleurs dans les services de la capitale et les grandes villes, faisant des tremplins à d’autres pour aller ailleurs et plus loin, la spécialisation de chaque groupe originaire d’un village précis, dans la vente de journaux, servir aux cafés et restaurants, vendre les fruits secs ou faire les dockers, était notoire pour les originaires de Douiret, Chenini, Ghomrassen, Metouia, Zarzis, Djerba…

                   Pendant l’histoire contemporaine, plusieurs flux d’humains arrivèrent à la Tunisie, depuis l’Egypte, l’Andalousie, l’Italie, les colons et la Lybie, sans compter la libération et l’intégration des concitoyens anciens esclaves, avaient participé à forger l’homme équilibré et lucide d’aujourd’hui. Mais si les libyens avaient apporté la tradition du thé à la région, le riz et bien d’autres mets, n’avaient pu détrôner le couscous berbère de son trône culinaire de la région. Tout de même, quelques mets et apports culturels, étaient arrivé avec les andalous.

                    Depuis l’indépendance, juste après l’esprit guerrier et conflictuel, le couloir de la migration régulière avait entrainé des milliers de forces de travail vers la France, afin de participer à construire l’infrastructure urbaine, l’infrastructure routière et les travaux durs. Utilisant les têtes de ponts déjà établis à Tunis et les premiers arrivants pour leur faciliter la logistique de la ruée, les migrants avaient laissé leurs outils de travail à même le terrain, charrue, faucille, pioche, scie, marteau, charrette, chameau…savoir-faire…pour laisser un trou énorme dans le circuit économique normal du pays d’origine. Célibataires, dans des habitations de fortune, des baraques délabrés dans des sols immergés d’eaux et infestés de rats de toutes sortes, ces migrants batailleurs et travailleurs, avaient milité aussi lentement mais surement pour avoir des droits sociaux et des habitations convenables. Partis dans des systèmes de groupes ethniques, puis d’habitations à loyers modérés, pour se trouver sans intégration quelconque, obligé de joindre leurs épouses et enfants à leur milieu étanche. Sans grande vocation pour l’éducation, ni le transfert des connaissances et du savoir faire vers le pays d’origine, les migrants se consacrèrent à faire de l’argent et construire des maisons au pays et acquérir des oliviers à perte de vue. Tout en soulignant le fait qu’ils avaient largement contribué à l’essor urbanistique par l’envoi d’argent, ils s’étaient rués vers l’achat des maisons semi finis, l’importation de voitures et les tracteurs agricoles. Ce dernier, était l’un des points les plus favorables pour le travail des terres et l’exploitation moderne de l’oliveraie de Zarzis. C’était aussi l’un des rares apports directement positifs à l’économie et l’agriculture. Bien sûr, on aurait préféré une migration plus proche du transfert de technologie et savoir-faire, avec une accentuation sur l’éducation des enfants afin d’éclairer les esprits tout en gardant sa propre identité, mais, il faut le reconnaitre, la vague de migrant initiale, était composée de braves paysans agricoles dont l’objectif principal était le gagne-pain. En plus de l’esprit de consommation, le trou laissé dans le tissu économique à la base, l’orientation des fonds vers les projets de services, il y a eu aussi une influence importante du pouvoir d’achat de l’étranger sur le marché local, qui s’affecte à la hausse à chaque année de retours des migrants, bousculant ainsi sévèrement le pouvoir d’achat des gens du bled. Comme la focalisation sur les idées du nord, les produits du nord et la migration de plus en plus limité voir réduite par les refus de visas, comme le passage tapageux chaque été des revenants vacanciers, affichant une grande richesse et un bien être relativement extravagant, comme l’acculturation consumériste avait réussit à dénigrer le local et ses valeurs, alors, les jeunes et les moins jeunes, se sont attelés à rejoindre le nord pour touts les moyens même à risques et illégaux.

                   Sur la base physique des vases communicants, les flux de jeunes de l’Afrique et de l’Afrique du nord et de partout,  ne cessent de foncer sur les forteresses des pays aisés, laissant des victimes à touts les niveaux, à la mer, dans les Alpes et sur les barbelés de la honte…

                   Il faut reconnaitre, qu’à plusieurs niveaux associatifs et autres, la solidarité avait été manifeste et quelques fois même efficientes et aboutissantes, sur les plans humains et des services. Avec une plus grande marge de manœuvre, une expérience de militantisme libre et une disponibilité à l’action, les migrants avaient participé à un léger redressement du parcours de la révolution chaotique du pays.

                   Comme la vie n’aime pas le vide, il en est de même pour les humains, qui sont partis du sud vers le nord pour une vie meilleure, ils sont maintenant remplacés massivement par des Africains, qui eux aussi, cherchent un bien être et un pied à terre, pour aller encore vers le nord… Ainsi l’universalité de l’homme, dans un monde pour tous, ouvert à tous, serait certainement l’aboutissement naturel de ce mouvement de fond…  

                          Lihidheb Mohsen 10.05.2021

dimanche 2 mai 2021

Constats et reflèxions.

 



En lisant le voyage du missionnaire Allemand, EWALD, en 1835 de Tunis jusqu’à Tripoli, il y a des constats et réflexions, à mettre en évidence afin de comprendre les résultantes économiques et sociales actuelles. Sans faire une approche rigoureuse du livre, se limitant aux acuités, contradictions ou embryons de comportements sociaux. Bien sûr, une vision humaine, réduit les activités du missionnaire, les croyances locales et les particularités, afin de voir clair dans le parcours comportemental collectif.

Partant du fait que le pays était sous régime Ottoman, féodal, archaïque, avec quelques ilots urbanistiques relativement stables dans les grandes villes, et sauf le respect de toutes les parties, sans partie prise…voici, des points…

-        A partir de Soliman, le voyageur avait remarqué les dizaines de fermes agricoles en ruines, abandonnées partout où il passait, à cause de l’intervention automatique du Bey vis-à-vis de toute personne susceptible d’avoir accumuler de l’argent et réussit son exploitation, pour laquelle, il fomentait des motifs fallacieux pour la mettre en prison et la ruiner définitivement.

-        Les marabouts, d’un nombre excessif, étaient des refuges sûrs pour les criminels de toutes sortes et quand il le fallait, le Bey se trouvait dans le cynisme de les emmurer dans l’édifice sur place.

-        L’imposition des paysans et autres était rigoureusement au-dessus des moyens et pousse les producteurs à se dire pourquoi ils produisaient si la majorité des récoltes iraient au Bey.

-        En plus de l’animosité envers la population et la religion locale, la sollicitude vis-à-vis de celle des hébraïques, la communication limite avec les citadins, la compromission pratique avec les ottomans, l’alignement total avec les différends consuls…, il y avait étrangement une haine épidermique vis-à-vis des Maltais…

-        Suite à une rébellion contre le régime en place dans le Sahel, le Bey avait puni toute la région de plusieurs façons, y compris l’interdiction formelle des constructions en dur. Dans les années quatre-vingt du siècle dernier, l’impact de cette punition existait encore par les dizaines de gourbis en argile que Boughmiga avait constaté lors d’une visite à des parents de cette région.

-        Le personnage philosophe « F » qui avait hébergé le voyageur lors de son passage à Gabés, était plein d’humanité et de sagesse. Un Maltais aventurier, qui après plusieurs péripéties autours de la méditerranée, plusieurs activités…avait décidé de s’installer dans cette oasis maritime et se consacra à offrir ses connaissances médicinales aux paysans. Avec un fils conçu avec une noire, il avait aussi une chèvre, un mouton, deux porcins sauvages, deux pigeons, un corbeau estropié…offerts par ses patients pauvres et beaucoup de joie de vivre qu’il partageait avec eux, dans la pauvreté et la sagesse.

-        Lors d’une guerre entre Tripoli et les paysans des alentours, en 1832, les deux parties furent surprises de l’arrivée d’une flotte ottomane devant le port. Chaque côté croyait qu’elle était venue à son secours, ce qui amena leur désarmement successif, l’enlèvement du « roi » pour le diriger vers Constantinople et le placement d’un fidèle à la grande porte sur le trône. Un cynisme, digne des intrigues de l’époque.

 

                   Ainsi, de petits spots, grâce à ce livre, sur une période, sur une situation qui explique en partie, le sous-développement et la cassure volontaire du parcours cumulatif du pays. Une étape douloureuse, qui dura quelques siècles, puis livra le pays à un colonialisme beaucoup moins expéditif, mais aussi radical dans l’anéantissement mesuré et la désertification en règle.

                                                                   Lihidheb Mohsen 02.05.2021