samedi 23 janvier 2016

El Gastill, l'isoloir.

Comme les autres fois, il a fallut accéder au long isthme d’El Gastil, à partir du port et du complexe touristique. Un port, qui parait il, était mal conçu et très mal étudié au point que ce sont les remblais et les algues folles qui l’investissent et le rendent peu navigable aux embarcations des marins. Des marins, qui avec le temps, avaient trouvé plus facile de travailler dans le tourisme et vivoter dans un secteur plus convivial et rémunérateur, dans une sorte de déformation comportementale comme tant d’autres. D’un autre coté, les constructions d’hôtels, avaient pris de grands espaces dans cet oasis marine, poussant plusieurs spéculateurs à s’approprier des terrains juste dans la lagune et au bord de la mer. Bien sur, cette hégémonie foncière, avait désorienté le passage de Boughmiga et il avait fallu revenir à plusieurs reprises à la route principale pour trouver comment longer la plage de l’isthme. A un moment, il s’arrêta, pour voir l’immense action humaine, dans la déformation écologique et naturelle de l’endroit tout en le livrant à la spéculation de plus en plus croissante sur l’Île de Djerba. Après plusieurs tentatives, de contournement des barrages de sables, des clôtures, des eaux accumulées par les déformations des terres, Boughmiga retrouva la longue route allant vers le grand fort aquatique. Il conduisait avec le soleil en face en plein dans les yeux, mais il descendait de temps à autre, pour évaluer les possibilités de la voiture à passer certains endroits mouillés, mais à quelques kilomètres, il se trouva en face d’un barrage naturel d’une langue d’eau de mer coupant la route et arrêta net sa bagnole. Tout en contournant à pieds l’obstacle, pataugeant dans l’extrémité marécageuse, il fit encore un très grand rectangle de marche, qui sans parvenir au dit fort, traversa les trois petites collines de l’endroit, avant de revenir à la voiture. Il n y avait rien sur la plage et la forteresse, était encore plus loin, juste au bout de cette bras de mer, et aurait servi aux Romains et plus tard aux Turcs, pour guetter la navigation de l’ennemie sur les courants de la mer autours de l’Île et la possibilité de placer aussi de l’artillerie dissuasive, de bonne porté comme les catapultes et les canons. Plusieurs mythes populaires ont été construits sur ces constructions, mais l’imaginaire n’a pas de limites. Pendant l’apogée du tourisme, plusieurs groupes d’étrangers venaient le voir par terre et mer, sur des quads, des jets skis et autres, mais cette fois, l’endroit est totalement désert au point que la route a été coupé sans la moindre intervention humaine pour sa réparation. Une solitude, qui avait donné un frisson à Boughmiga, seul, sortant juste d’un accident vasculaire cérébral, qui malgré ses démarches sauvages, se munit d’un os de palme pour se rassurer des animaux errants, car il a eu déjà de pénibles expériences avec les chiens sauvages. Effectivement, les monticules de terre, étaient contournés par les traces zigzagantes de quads touristiques et Boughmiga, resta longtemps à observer les restes d’anciennes installations humaines, confirmés par le cumul de poterie diverses, de brulis profonds, ce que les dizaines de trous de renards, en avaient excavé les traces. Il ne trouva rien d’important, à part une petite poterie oblongue en forme de cône qu’il avait remarqué lors de sa première visite de cette zone. La poterie était assez importante et les cendres aussi, mais la déformation humaine motorisée avaient laissé aussi des traces monstrueuses. Au milieu de l’une des collines, il y avait une sorte de petit puits incertain et l’accès à une construction sous terrain probablement punique. Il n y avait pas le moindre bout de silex de l’homme primitif, qui aurait été dupe et irresponsable de se laisser prendre dans cet entonnoir géographique et dangereux. Dans les périodes Puniques et Romaines, l’homme, avec son savoir faire relatif, se serait hasardé dans ces endroits de sécurité défensive. Avec le poisson, les coquillages, les oiseaux, le gibier, l’oasis, la végétation et certainement l’eau à Aghir, l’endroit était certainement hospitalier, à ces gens déterminés à dompter la nature et les difficultés. Soudain, dans ce no mens land, ciel et mer, encore avec un sentiment de vulnérabilité logique, Boughmiga fut effrayé par la sonnerie de son téléphone, et dans une heure, il devrait être au centre de Zarzis. C’était onze heures du matin et se hâta, alors, vers la voiture, contournant les marécages une autre fois, pour rouler à travers le lac salé glissant jusqu’à la route asphalté. Pour une fois, il roula vite, très vite, doublant tout le monde, peut être pour fuir les risques de sa solitude, mais malgré le fait qu’il fut au bled à midi moins dix, il était déçu de n’avoir pas été arrêté par la police de la circulation pour excès de vitesse. Au moins ça aurait été juste cette fois, pendant que ça lui était arrivé automatiquement des dizaines de fois sous la dictature, sans raison, ni la moindre vitesse. Comme même, un respect à ce qui reste de beau et de naturel sur l’Île Djerba, du tapage touristique mercantile et peu humain…et une grande admiration à nos valeureux ancêtres conquérants de la terre, de la mer et de l’esprit… Lihidheb Mohsen éco artiste Zarzis 23.01.2016

jeudi 7 janvier 2016

Sur les traces de Boughmiga.

Sur un sentier battu, cette fois encore le parcours passa par le souk de Hassi Amor. A part les légumes fraiches et les poules du terroir, cette fois, le marchand de matériel utilitaire ancien était absent, peut être à la cueillette des olives, ainsi que l’absence depuis quelques semaines de la vieille femme aux habits traditionnels faisant la sainte à distribuer la sagesse et la baraka aux gens qu’elle connaisse. Cette fois, Boughmiga provoqua un incident, quand sa voiture garée dans la place du centre, il la trouva entouré de vendeurs de grains de toutes les cotés, sans pouvoir sortir malgré sa demande expresse. Assagi par un sentiment naturel de claustrophobie, il bouscula une des brouettes des paysans vendeurs, ce qui mit son propriétaire en colère et réveilla une riposte collective tribale automatique. Ne pouvant parler de phobie à cet auditoire malveillant et peut être légitime, il entreprit d’expliquer calmement qu’il devrait trouver une solution et la brouette bousculée était le symbole de l’entrave à la libération… Bon gré mal gré, encore murmurant, la foule fraya un passage à Boughmiga avec sa voiture pour sortir du souk, tout jurant de ne plus tomber dans ce piège et ne plus provoquer la maudite bête, sournoise et omniprésente de la solidarité tribale inconditionnelle. Il avait en mémoire la fameuse riposte de ces gens, face à l’accident regrettable d’une petite fille tué par un camionneur Libyen. Bien sur, tout le monde était mécontent du drame, mais la mesure et la proportionnalité des réactions, sont aussi une sagesse. A part, le souk, le marché des moutons, le marché aux poules, il y avait aussi un vieux forgeron noir qui refusa de se laisser photographier surtout pour remarquer le grand trou au milieu de son local dans lequel il descendait pour travailler à l’enclume et utiliser le niveau de la terre en guise de table adéquate et de toutes les cotés. Plusieurs fois, son local était fermé et vue son âge avancé, c’était évident et naturel. Il parait qu’il y a un bon nombre de concitoyens noirs, occupés comme tout le monde à l’agriculture et l’élevage. Bien sur on ne pouvait demander à une société traditionnelle à l’esprit encore féodalisant, une égalité totale surtout quand l’endroit est sur la trajectoire de Sidi Makhlouf, endroit réputé pour la scission « naturelle » ou disant « habituelle » ou encore « convenue » entre les races. En rentrant vers Zarzis, au lieu d’aller à droite aux environs de Souitir et les berges d’oued Bouhamed, que j’avais prospecter sur une bonne longueur, je suis allé à gauche dans la direction de Boughrara et passant à coté des sites de Maydher, Chichma,…et avant d’arriver au virage allant vers le site romain de Gataayet Echih, j’ai longé le grand oued qui traverse Médenine et descend vers la mer. Un endroit que j’ai fait en partie auparavant, mais les oliviers cultivés sur les berges m’intéressaient et me permettaient toujours de trouver dans les sillons et entre les arbres les traces déterrés par les charrues et le travail des hommes. En effet, j’avais confirmé mon opinion sur l’endroit qui était occupé par le paléolithique moyen avec une prédominance de chopper et de bifaces sommairement travaillés. Ce constat de la période, avait aussi permis de démontrer la rareté du silex travaillé et les quelques foyers de pierres brulées. Il n’y avait ni meules ni broyons et la terre gypseuses d’autrefois, ne permettait pas l’agriculture et l’occupation s’était faite avant la découverte et la maitrise de l’ensemencement. Certainement, la chasse et la cueillette prédominait pendant cette période et les quelques coquillages démontraient leur consommation pendant cette période et la proximité de la mer. Témoin oculaire de la crue de 1969 et les dommages sur les ponts et les rues de Médenine, quand la seule sirène du lycée réveilla toute la ville à minuit pour se prémunir et se protéger, j’ai pu confirmer encore une fois, la dimension de cet oued, en trouvant comme l’autre fois, à quelques dizaines de mètres de la rive opposé, les capsules de pénicilline charriées per les eaux. Cette crue monumentale, était peut être du aussi, à l’obstacle des grandes dunes des déblais de l’oued à l’embouchure, limitant l’accès à la mer et laissant le reste à l’évaporation et le filtrage. Avec un sentiment de déjà vu, j’étais là, en quelque sorte, la nuit pendant le déluge, dans la crue, dans l’oued, dans l’hôpital, dans les capsules salvatrices et dans le mouvement du temps depuis quarante ans. Pour la morale de l’histoire, la lucidité, l’implication totale dans l’humain et son parcours, m’avaient permis de constater un silex blanc, plutôt rond, taillé grossièrement sur les cotés, de sept centimètres environ, sur un léger relief et visible, dans plusieurs endroits allant de Oued el Akarit, passant de Zaratt, à Grine, à cet oued, à Saaf, à Sebkhet el Maleh, jusqu’à Charb errajel et enfin Choucha, comme pour dire à Boughmiga, « follow me »….suis moi, mais dans quel sens !!! Heureusement, on a l’habitude culturelle et cultuelle d’aller vers le sud, la « Kibla » et que mes ancêtres me pardonnent si je me trempe…de parcours. Lihidheb Mohsen éco artiste. Zarzis 07.01.2016