mercredi 8 mars 2017
Portraits et sagesse 102
Tahar Mnaffakh, dit Barg.
Comme son nom le dit bien, l’éclair, le blitz, le prompt, le perspicace, concordait parfaitement avec sa personnalité et son action. D’une famille de pêcheurs voraces, habitant juste au bord de la mer et ayant un certain droit de regard sur un bel plateau rocheux juste sur la plage et pleins de trous favorables aux poulpes et aux seiches. C’était surtout l’acuité de sa vision qui lui donna cette réputation de blitz, surtout quand il pouvait voir de loin, de la terre les bandes de petits poissons ouzef. Un constat en pleine mer qui donnait le droit au premier pêcheur ayant vu les bandes poussées par les éclairs de l’horizon vers la plage et que la famille ou la tribu prenait la relève et profitant de cette aubaine sous les regards patients des autres. Si Tahar Mnaffakh et ses frères Rebai et Belgacem, étaient les véritables conquérants de la mer et maitrisaient toutes les possibilités de pêche, d’observation et de possession totale. Avec le temps et le développement de la région, Belgacem s’en alla pour faire un moulin à grains, Rebai se fit construire une calèche pour touristes et Tahar en même temps avec ses activités avec la mer, ouvrit une boutique de boucher. On ne pouvait vivre grâce à un seul métier et les gens durent se convertir en plusieurs travaux pour couvrir les dépenses des familles. Les principales activités étaient entre la mer et la terre, un petit bateau, quelques moutons et quelques pieds d’oliviers, faisaient l’affaire. Toutefois, Si Tahar, était connu dans le village pour son habilité avec la mer, que ce serait avec les éponges qui nécessitaient une bonne vision au fond de la mer, ou pour les compagnes d’ouzef quant il fallait voir les bandes de loin avant qu’elles n’arrivent à la plage et se préparer à les circonscrire et cueillir, ou bien encore pour la pêche à pieds par l’épervier qu’il jetait sur les poissons au bord de la mer. Il était surtout poussé par un reflexe de survie et de duel permanent avec son environnement immédiat. Le littoral était ingénieusement reparti selon les tribus, les familles ou l'occupation effective grâce aux réussites de l'éxploitation des richesses. Alors, on pouvait voir, le zone des Iyyar, la zone des Jhadra, celle des Jlidett, celle des Ours, celle des Mnafikh dont Si Tahar, celle des Khlabiss, celle des Houeb, celle des Dhwawi, celles des Baarin, celle des Ibcha, celle des Ayer Meftah, celle des Mgarin, celle des Kinsa, celle des Hnoud, celle des Hzag...une contexture sociale dans laquelle les Mnafikh s'imposérent royalement grâce à leur présence parmanente à la mer et leur réussite éxemplaire. Ce sont toujours les motivations qui poussent à la performance et le dépassement des difficultés usuelles. Par exemple et d’après son fils, un certain Ben Romdhane, dans la région de Jabiet Haj Ali, pendant que toutes les familles étaient à la moisson, avait offert une bonne quantité de gros poissons à la famille de sa future femme, juste grâce un petit faux, à pieds dans le mer et pendant le laps de temps de repos, dans un acte d'héroisme et de chevalerie. Bien sur, advint le tourisme, l’émigration de toute sorte, les divers opportunismes, les crédits pour alimenter la corruption et Si Tahar Mnaffakh, resta fidèle à son identité, à sa taille sociale, à son rôle et continua avec un peu moins d’énergie, à travailler dans le mer et réparer personnellement son petit bateau de bois, refusant les nouvelles embarcations en polymère et les moteurs crachant des chevaux. Quelques seiches, quelques poulpes, des poissons divers, suffisaient à la famille et en vendait à l’occasion des bonnes pêches, mais les intempéries et l’agitation de la mer, amenuisait beaucoup les possibilités de travail. Du bord de la plage, il lui suffisait de regarder vers la mer, pour voir les bandes d’ouzef à mi eau, les poissons pour l’épervier et surtout prédire le temps à venir, à partir de l’agitation de l’eau, la taille des vagues, la couleur de l’eau, la direction du vent et son intensité, le genre de nuages à l’horizon, les réactions des oiseaux de mer et le mouvement des marées. Comme un certain Tahar Zaoui, dans la région de Ras Marmour, Si Tahar Mnaffakh, se mettait au bord de la mer, les filets prêts à la main, fixant la surface de l’eau comme un aigle, avec tout le corps et l’esprit en alerte, pour partir en trombe rapidement pour contourner seul la bande de petit poisson et la rabattre vers la plage. Une technique très efficace qui demande beaucoup de force, de savoir faire et d’acuité visuelle.
Bien sur, Si Tahar ainsi que touts les pêcheurs, offraient toujours une partie de leur butin, malgré les difficultés de pêche, au premier venu et aux premières femmes qu’ils rencontraient sur la route. Un geste de générosité un peu rare auprès des paysans, à cause de la précarité de leur vie et le manque de pluies pour leurs maigres cultures dont la moisson se faisait une fois l’année, pendant que le pêcheur attrapait chaque jour le poisson. Il y a toujours des exceptions à la règle et on dit dans la région de Tataouine, qu’un pauvre paysan rencontra un groupe de femmes dont l’une avait envié la beauté de la bête et sur ce, il l’égorgea et distribua sa viande pour combler et répondre à cette envie.
Un grand hommage, de solidarité et de respect, à ces gens qui firent de l’environnement immédiat un havre de vie et de paix et continuent encore, malgré l’âge, à donner une leçon à la société de consommation et de la soumission totale à l’autre. Maintenant et malgré les pressions de ses fils pour abandonner ses labeurs et gros efforts, Si Tahar tint bon et s'appliqua à chérir son embarcation et son activité millénaire. Bravo et encore bravo, à Si Tahar Mnaffakh et les autres, à nos véritables héros, dans leur guerre continue avec les difficultés de la vie.
Lihidheb Mohsen 08.03.17
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