mercredi 13 janvier 2021

Stimulant et stimulé

 


 

                  


Venant de l’extrême orient, titubant, de foyer en foyer, de cale de bateau en entrepôt, sur le dos des chameaux, pour parvenir dans nos hameaux, avec les migrants réfugiés, ayant dans leurs maigres affaires, l’attirail nécessaire, pour transformer leur calvaire, en un instant de rêve. Une sève, une potion, une infusion exotique ou concoction, bouilli à feu douce, sur de petites braises allumées sur le sable, sur le sentier de la cavale, en ruée devant les balles de Graziani, pour que quelques-uns parviennent, meurtris, auprès de leurs cousins, qu’ils razziaient autrefois, comme il se doit, mais hospitalité humaine oblige. Prodige, comment, avec les bébés dans les bras, la théière avec son peu d’herbe et la carotte de sucre, suivaient la caravane pédestre, jusqu’aux oasis du sud Tunisien. Depuis les prairies de la Choucha, les ustensiles firent leur tintamarre, et dare dare, le sirotage de ce breuvage, s’installa aussi avec les arrivants, dans les coutumes, dans les gourbis, dans les oasis et sous les tentes. Succulente, cette manie de faire le thé, matin, midi et le soir, devenu du terroir, un conciliateur en béton, dans les foyers, les gargottes, chez les maçons, les laboureurs, les cueilleurs d’olives et moissonneurs, dans les huileries et boulangeries, chez les marins et les bergers, lors des mariages et pèlerinages, lors des cérémonies de décès, alors que certains chefs de familles l’exigent à l’aube avant le commencement du jeune pendants que les constructeurs de maisons, maçons, ne bougent pas sans l’attirail, les braises étincelants et le vers de thé noir, concentré, de la première cuisson, rouler sur le front, à en consommer à même la peau, la chaleur, la teneur et les plaisirs de cette nouvelle dépendance agréable. Comme pour les fumeurs par habitude, par tic, cet arrivant s’installa et croisa les jambes chez tout le monde, en catalyseur, rabatteur, dynamo, de sociabilité et de convivialité. Encore plus, il suffisait un visiteur ou juste un passage de quelqu’un, pour que le thé bouille pendant deux heures au moins, avec ses trois phases de dégustations, quand la première était toujours concentrée pendant que les deux autres l’étaient de moins en moins. Certaines femmes, trouvant le temps long, s’accoudaient et se mettaient la tête sur la boite de sucre pour souffler entre femmes à voix basse leurs petits secrets. Il faut donc imaginer, les milliers de combinaisons des communications humaines, amitié, hospitalité, générosité, sociabilité, compassion, cérémonie, ponctuation du temps, manie, curiosité, culturalité, amabilité, respect mutuel, soumission, classification sociale, affirmation de la supériorité de l’homme, l’autarcie de la vie agréable entre femmes, l’évaluation des jeunes filles pour d’éventuels mariages, les discussions sérieuses de tout genre… une batterie de comportements rythmée par les offres mutuelles des verres de thé et du bruit de l’éventail sur la braise.

                   Dans les années soixante, dans l’oasis maritime de paysans et dans chaque foyer, une femme s’asseyait à même le sol, chaque matin, avec un attirail autour d’elle, commençant par le Kanoun allumé avec du charbon, quand il fallait envoyé un des enfants chercher des braises de feu dans des palmes pliés de chez les voisins ou du tronc de palmier allumé pendant des semaines à la disposition du village, avec le pot, des verres appropriés, un seau d’eau douce, la tasse de thé vert, la tasse de thé noir, la tasse de sucre, celle de la farine d’orge, celle de la farine de blé, une petite bouteille d’huile d’olive, une casserole pour la zoumita, une autre avec un peu d’eau pour laver les verres… Une véritable matriarche au timon à gérer ses multiples services tout en supervisant le réveil des enfants, leur toilette rapide et leur préparation pour aller à l’école coranique, la Scola ou garder les moutons dans la campagne avoisinante. Un véritable tremplin d’énergie et de stimulants, pour conquérir ce petit monde, en attendant d’investir le globe, par la sagesse, l’humanité et l’amour de la vie.

                                                             Lihidheb Mohsen 13.01.21

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