mardi 31 mai 2022

Les offrandes de la mer...

 







                   


C’est inscrit dans le patrimoine social, dans la mémoire collective et le comportemental quotidien des paysans de l’oasis maritime. Au début, c’était qui voyait les bandes de petits poissons le premier, pour avoir le droit et la légitimité exclusive de l’attraper, sans la contestation, au vu et au su des autres familles longeant le littoral, ou qui a vu l’objet et devant quelle famille il est arrivé de la mer et que les habitants réutilisaient, une planche pour la cabane, une bouteille pour l’achat de pétrole ou d’huile, ou une corde pour tisser une muraille de brindilles d’oliviers… Cette expectative collective, donna à l’horizon, du point de vue de la population, une sorte de sacralité mystique, allant entre l’attente, le souhait, la vénération et l’espoir. Ce que Boughmiga avait repris sans le savoir, dans son action écologique et son mouvement avec les composantes de la nature qu’il embrassa avec ferveur.

                    Il faut dire que la pluie vient généralement avec des nuages arrivant du nord-est, le soufflet de vent rafraichissant après les siroccos, venait aussi du nord-est et les éclairs de nuit rabatteurs des bandes de petits poissons vers les côtes venaient aussi de la même direction. Pour cela, tout le monde s’inscrivit dans cet attachement aux éléments de la nature et son mouvement généreux.

                     A part les phénomènes conjoncturels comme la guerre mondiale ou la migration clandestine et ce qu’elles rejettent tristement sur les plages, Boughmiga avait trouvé beaucoup de choses utilitaires, comestibles, recyclables et importants. Il avait trouvé ou consommé des dates de mer, des poulpes rejetées par la tempête, des oranges, des tomates, des pommes de terre, des oignons, du piment vert, du charbon, des aubergines, des seiches, des pastèques, des melons, des noix de coco, des pins d’Alep, des paquets de thé noir, des paquets de cigarettes, des bouteilles d’huile, des bouteilles d’eau minérale… Il faut aussi reconnaitre qu’il avait aussi trouvé quelques fois de l’argent dans les chaussures des migrants, qu’il avait converti dans les banques pour le donner aux associations caritatives de la région. Une générosité de la mer, que rares sont les gens, qui réalisent son ampleur et sa dimension. Ne dit-on pas dans la culture locale, que celui qui a une nasse en mer, est dans les bras de sa mère.

                    Il faut dire que Boughmiga avait recyclé et réutilisé tout ce qui venait de la mer, jusqu’à la peinture et les pinceaux avec lesquels il avait écrit sur les planches de la cabane de l’ile déserte les noms des hommes célèbres qui avaient influencé l’histoire en bien et en mal. Bien sûr, tout au long de son action, la famille voulait toujours réduire ses activités relativement extravagantes, comme quand il réutilisait du charbon pour la cuisson du thé, avec de grandes étincelles à cause du sel d’eau de mer imbibé et séché dedans.

                    En présence de sa mère, autrefois, une de ses connaissances avait dit, qu’elle connaissait un habitant, bien loin de la ville et des gens qui avait dit « Chaque fois que j’ai faim, sans rien à manger, je me dirigeais vers la mer, ma mère, à longer la cote, pour trouver quelque chose à grignoter, à boire et subsister... ».

                    Ainsi, dans une sorte d’intégration ultime, dans un climat désertique, en plus de la poudre d’orge, de l’huile d’olive, de l’eau de pluie, des figues et des dates séchés, la ruée vers les plages des bandes de petits poissons, séchés aussi pour les garder dans des jarres, constituaient des produits stratégiques, nutritifs pour les pauvres et dont plusieurs sont offerts par la mer, maternelle.

                                                  Lihidheb Mohsen 26.05.2022

 

 

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