samedi 9 juin 2018
Kerkennah, que faire devant ce drame des Harraga.
Voilà cinq jours que le bateau des émigrés clandestins avait chaviré dans la mer des Îles Kerkennah, laissant des victimes, des disparus, des parents endeuillé et tout un pays dans la tristesse et le désarroi. Des jeunes et moins jeunes, des femmes enceintes…avaient été rassemblé par groupes en pleine mer, par des petits bateaux à moteur rabatteurs, jusqu’à la grande bateau mère en rade dans la mer. Le nombre était visiblement au dessus de la capacité de cette flottille de pêche qui ne pouvait supporter les cent quatre vingt personnes de toutes les nationalités. Un acte au su et au vu de tout le monde, y compris, les autorités, les parents…et surtout les émigrés qui risquaient consciemment leurs vies pour un rêve incertain. Pendant que les autorités répondaient à une faiblesse manifeste, un machiavélisme sournois et un guet stoïque, les parents se rassuraient par l’ampleur du phénomène, sa répétition, ses réussites et sa présence normale dans le paysage des horizons à découvrir, les jeunes émigrés de leur coté, répondaient à un appel culturel irrésistible vers le nord qui miroitait les valeurs et produits de l’occident tout en rabaissant tout ce qui était local, répondaient aux quelques cas de revenants avec de bonnes conditions de vie et de bien être et répondaient aussi aux pressions des parents, il faut le dire, qui eux aussi incitaient leurs garçons à faire comme les autres et chercher à touts prix la réussite et l’amélioration de la situation. Cette pression familiale allait dans les deux sens, car plusieurs jeunes avaient aussi menacé leurs familles de bruler la maison s’ils ne trouvaient pas le prix de la traversée en mer. Bien sur, avec l’omniprésence, des passeurs, des rabatteurs, des sponsors cyniques, partout dans le monde où l’éthique humaine se dégrade et ne mesurent plus l’impact de leur délinquance, avec le grand taux de chômage et le désœuvrement comportemental, le phénomène des vases communicants, fonctionnerait automatiquement et transborderait l’écoulement les masses de flux humains. Comme dans chaque problématique, plusieurs éléments et causes font la présence de ce phénomène, comme plusieurs solutions, successives, simultanées, cumulatives, comportementales sociales, conjoncturelles, contribueraient à atténuer graduellement cet exode à haut risque.
Ainsi, après les pleurs, les colères, les lamentations…fortement justifiées, il y a lieu de comprendre l’ampleur de la Harga en soulignant ses éléments et délimitant les rôles réels et supposés de toutes les parties. Donc, on peut dire que les partenaires sont à priori cinq, les parents, les émigrés clandestins, les passeurs, les autorités…et les autorités d’accueil.
- Les parents : Généralement ils ne sont dissuasifs devant la pression de leurs enfants et aussi leur harengade de ces derniers jour et nuit pour qu’ils fassent comme leurs semblables et devenir riche, même d’apparence. Plusieurs d’entre eux investissent dans la traversée par hypothéquer leur maigre épargne ou vendent les quelques moutons, tout en s’alignant bon gré malgré, sur un créneau aux deux tiers aboutissant. Il faut dire, que dans un pays sans grandes ressources naturelles, que l’investissement capital était dans l’énergie humaine et sa débrouillardise, que cette ruée écologiquement naturelle reste préférable à celle programmée ou instrumentalisé pour les guerres officielles et officieuses, que la culture et l’éducation avaient toujours rabaissé le produit local, que la scolarisation avait perdu son rôle éducatif et de tremplin certain pour les pauvres, que le dénigrement du savoir et de la connaissance sont devenus une règle à même les médias officielles, que l’ancien régime ancien avait bien entretenu la mentalité de l’arnaque et du gain facile, que le chômage, la pauvreté, la cherté de la vie, les exigences excessives pour le mariage et la vie normale, que la société perd toutes les réussites personnelles traditionnelles et se fixe sur celle de l’émigration au point de célébrer des fêtes lors de l’obtention de papiers ou de nationalité étrangère, Que plusieurs parents au lieu d’éduquer leurs enfants à la tempérance, l’intégration, l’éducation et la mesure des risques, les accompagnent, quelques fois malgré eux, par des youyou et des souhaits fantaisistes, Que ce jeune même, n’a jamais été respecté, jamais reconnu en tant que tel avec ses différences s’il en avait, jamais entendu un bon mot ni à la maison, ni à l’école et encore moins dans la rue, jamais considéré digne même pauvre et poussé à devenir un boulet à canon pour la richesse et l’opulence fictive…que ces mêmes sous victimes, les parents, suivaient l’itinéraire de leurs enfants sur la route de la mort, l’amertume dans l’âme…pour blâmer quand sa foire, l’autre, pendant que toutes les parties sont responsables et condamnables.
- Les émigrés clandestins : Comme on l’a dit avec les parents, les enfants sont aussi malmenés entre la lassitude des écoles, l’absence d’emplois, la pauvreté générale, l’attraction irrésistible de tout le monde vers les pays du nord, l’absence d’horizons « légaux » et pataugent dans l’auto suggestion du risque zéro. Comme ils baignent dans le parcours conceptuel collectif, comme toute la société à plus grande dimension, on ne peut les blâmer individuellement tant leurs élans sont pour le bien être et répondent pour certains à un reflexe de survie et d’échappatoire, une façon de sortir d’un goulot d’étranglement réducteur et partial, hérités par un assujettissement constant à travers l’histoire moderne. Rependant à cet appel, allant dans le sens du sociétal, suivant les pressions de l’ambiant économique et humain et surtout les pressions des parents, l’émigré clandestin, emporté aussi par un faux espoir, se laisse faire jusqu’au bout par les éléments d’un drame potentiel et fortement possible. Sans minimiser l’impact de cette catastrophe, qui n’est ni la première ni la dernière, le libre arbitre, la liberté même et la marge d’action, étaient très réduis pour les Harraga, délestés de leurs portables, isolés dans des ghettos de concentration et exténués par de longues attentes, dans une préparation esclavagiste programmée. Dés le paiement et l’acceptation du contrat tacite de transport, les jeunes devenaient l’otage exclusive des passeurs et devaient obéir aveuglement au risque de se voir jeter dans la mer. Dans cas de figure, ils étaient en petits nombres ramenés d’endroits épars vers le bateau collecteur invisible aux abords de Kerkennah. Depuis ce moment, ils étaient à la merci des événements, les circonstances, l’organisation et les caprices des passeurs et du capitaine du Bateau. Ce bateau qui était en grande surcharge, prenait de l’eau et ne pouvait assurer cette croisière macabre. A un moment de désespoir, le capitaine fit une manœuvre de déséquilibre et quitta précipitamment l’embarcation qui se renversa sur la majorité des ses occupants. Il parait que plusieurs d’agrippèrent à la coque pendant que les secours appelés à vingt trois heures, ne parvinrent que tôt le matin, après cinq heures perdus à attendre. Il parait qu’une petite barque de pêche, aurait sauvé quelques uns, deux par deux jusqu’à la cote. Quatre vint et un corps fut repêché jusqu’aujourd’hui et presque une cinquantaine reste à encore à trouver dans la petite syrte. L’un des rescapés avait affirmé que c’était sa sixième tentative et compte encore essayer de partir par la mer, une affirmation qui témoigne de l’ampleur de l’acculturation, le degré de sacralisation du nord et la soumission inconditionnelle à un leurre effectif.
- Les passeurs : Il en existe partout dans le monde et surtout dans les zones frontalières et autours des ports où des personnes visiblement normales répondaient aux opportunités de gagner de l’argent fournis par les conjonctures d’insécurité, de chaos et de flux migratoire. C’étaient les circonstances qui faisaient les passeurs qui pour gagner de l’argent facile, se convertissaient de leurs métiers habituels en organisateurs et pourvoyeurs de services de traversées par la mer. On était témoin de ces démarches quand des gens respectables et riches organisaient des voyages devant tout le monde, mobilisant toute une série de rabatteurs en voitures de location, louant des maisons à coté de la mer pour le rassemblement et l’attente, et travaillant en plein jour devant tout le monde. C’était en 2011 et devant l’impuissance de la société civile, les autorités, submergées par ces flux d’hommes, se limitaient à vérifier l’état navigable de l’embarcation destinée aux voyages. De ce point de vue et pour rester fidéle à l’approche objective de cet écrit, chaque métier aussi hors la loi soit il, a son code moral, son code d’honneur et il y a bien des limites à respecter dans toutes les conditions. Pour cela, par exemple, des passeurs « réguliers », ne feront jamais montés leurs clients dans des embarcations qui prennent de l’eau ou les surchargent dangereusement, à moins qu’ils soient des amateurs affamés de gain facile et d’argent. Loin au-dessus de l’incrimination affective ou les états d’âmes contre productifs, il aurait suffit que chaque partie fasse convenablement sa tâche et la justice humaine et divine trancheront. Il serait aussi cynique de dire que le risque faisait parti de l’aventure, mais si chaque partenaire avait fait son travail, seulement son travail, il n y aurait pas eu de victimes et la loi aurait fait son travail aussi, qu’elle évite souvent.
- Les autorités : Dans le cas de l’accident majeur de Kerkennah, l’attitude de ces derniers était flagrante et résume un comportement ancien d’incompétence et d’amateurisme cynique. Des gens qui affluaient sur la région, des bateaux mobilisés, des portables vibraient, des étrangers qui défilaient, des rumeurs qui circulaient et encore plus, quand on les appelait au secours ils ne répondaient qu’après cinq heures complètes. Une véritable non assistance à personnes en danger car il suffisait à chaque partie de faire son « p » de travail pour lequel elle était rémunéré. Pour la mémoire, on était habitué à ce genre de comportement depuis des décennies car à chaque fois que les pécheurs avaient un accident quelconques ou pendant les tempêtes, personne n’était là pour les aider et meurent en mer. Le bateau des secours est en panne, l’hélico ne peut sortir dans les mauvaises conditions, on ne peut pas braver la tempête, on va y aller…une série d’arguments aussi stupides les uns que les autres pour arriver à l’argument de « on ne sait pas nager ». Alors, pendant une nuit de Ramadan, il fallait bien digérer le ftour et le shour, après on verra. Bien sur, le laxisme politico judiciaire, les traditions arriérés du secourisme en mer et le cynisme de certains stratèges démographiques débiles, avaient laissé leurs empreintes irrévocables et répréhensibles. Ce laxisme structurel, retraçable depuis les autres incidents en mer de collision avec des bâtiments de la marine faisant plusieurs victimes dans des conditions très douteuses. Une constance irresponsable, qui même au dessus des secrets d’état, est inacceptable.
- Le pays d’accueil : malgré le fait que ces jeunes ne sont pas parvenus à l’autre coté, au moins cette fois, les effets de l’attraction vers le nord pour un devenir meilleur se confirment et invitent à considérer ces pays comme partenaires concernés par l’émigration en général. Depuis des siècles canalisant les ressources naturelles des pays pauvres, préparant le terrain humain pour le consumérisme, l’improductivité et l’acculturation, rabaissant toutes les valeurs locales au profit d’une polarisation irrésistible vers le nord, l’occident actuel, auto emmuré de plusieurs façons, glissant fâcheusement en avant, devrait composé réellement à la solution de cette situation tragique. Les masses humaines, tendront et tendront encore vers l’Europe, vers les pays nantis, qui au lieu de faire la police instrumentaliste du jour le jour, devraient sortir de leur forteresse pour chercher à résoudre le problème.
- Conclusion : Devant ce drame monumental et la nécessité d’en faire une date limite à certaines faiblesses structurelles et incohérences sociales, il y a lieu de souligner les points suivants :
• Réviser le système éducatif officiel et l’encadrement parental, vers plus de dignité et de respect aux jeunes tels qu’ils sont.
• Arrêter avec l’idée traditionnelle de faire exclusivement des enfants un moyen d’enrichissement au détriment d’un parcours régulier d’éducation et de vie normale.
• Arrêter de pousser les jeunes à devenir riches par tout les moyens et essayer de leurs faciliter la vie par des couts de mariages et d’établissement moins chers.
• De les éduquer à penser que le bonheur n’est pas forcément ailleurs.
• D’appeler à ce que chaque partie fasse son travail pour lequel elle est payée et se taire si elle ne propose pas plus.
• D’habituer les jeunes à mesurer les risques et ne point se laisser faire et avoir.
• Décompresser la vie vers de meilleurs horizons diversifiés, humbles et multiples.
• Déconstruire la mentalité rétrogradant de « Mhaff » « Wild nabba » véhiculée et prépondérante pendant l’ancien régime et jusqu’à nos jours.
• Dénoncer touts les contrevenants à la loi et constituer un barrage à la corruption, le terrorisme, la drogue et la violence en général.
• Amener les parents des victimes de la Harga à devenir des militants pour la cause afin de convaincre et dissuader les jeunes de cette entreprise périlleuse.
• Travailler le code moral et la déontologie comportementale de chaque discipline même illégale, afin de contenir et prévenir les drames.
• Inviter les revenants de l’émigration à moins de provocation aux jeunes citoyens et ce en réduisant les exhibitions de richesses sur les plages, les routes et dans les mariages.
A la fin, en tant que militant écologue et humanitaire depuis vingt ans, ayant suivi le problème de la Harga dans le cadre de l’action mémoire de la mer et de l’homme, ayant écrit un livre « Mamadou et le silence de la mer » sur le sujet, je ne peux que faire mes condoléances aux parents des victimes paix et leurs âmes, et les invite à considérer et comprendre les écarts d’objectivité et de responsabilisation pour la cause.
Lihidheb Mohsen 09.06.18
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