dimanche 24 juin 2018
Medenine, opération commando.
Comme d’habitude pour visiter le souk de Médenine, il faut y aller très tôt, avant le levé du soleil. Cette fois, à cinq heures et demie, le soleil pointait déjà sur l’horizon de la mer et me dirigea vers l’ouest pour faire mon parcours entre les légumes et les brocantes et revenir avant la montée fameuse de la température de Médenine. Il parait que cette particularité climatique, revient au sol gypseux et argileux de cette région. D’ailleurs on peut toujours constater en hivers et en été, la différence et la teneur de l’ambiant, à partir de Khalfallah, à l’aller ou au retour, qui parvenait souvent à dix degrés. Sans incident, ni précipitation je parvins là-bas quand les marchands de légumes ambulants mettaient encore leurs étalages et déversaient les sacs de piment et coupaient les potirons. La plupart d’entre eux venait du centre ouest, lieu intense de production de légumes et seuls quelques détaillants à même le sol et avec des balances manuelles, proposaient des tomates, des piments…ou les fruits de saison, du producteur au consommateur. Confirmant mes descriptions précédentes de cette rencontre populaire et l’observation étrange de Boughmiga, qui quand il s’arrêtait à voir les passants, il pouvait juste par la vision du profil du visage et l’allure générale du corps, identifier, les Hawiwi, des Wederni, des Abbessi, des Akkeri, des Djerbi, des Touzni, des Jelliti, des Douiri et Chnennawi et aussi des gens du nord. Sans recourir aux particularités lexicales, pour fixer certains, on peut dire que le look des traits du visage et la forme du corps suffisaient et même les Libyens qui font parti des sections anthropo-linéaires même s’ils ne se manifestaient pas par leurs particularités vestimentaires. Juste pour dire, que le bain de foule est très agréable, dans ce petit monde hétéroclite et diversifié. Malgré le fait que nos concitoyens de couleurs, sont identifiables au point de voir les origines soudanaises par leur noir foncé, les maliennes par leur physique maigre, les sénégalaises par leur stature…et le melting pot, prédominant dans le nord est de Médenine, reste difficile à retracer.
Dans ce marché immense de chaque dimanche, qui prend tout le long de l’oued traversant la ville sur deux kilomètres au moins, les légumes, les habits, les volailles et le brocante, permettaient une longue marche que Boughmiga appréciait beaucoup de bon matin avant la chaleur. Comme il se plantait souvent, dans des fixations capricieuses et subites, il lui arrivait d’acheter sur une bonne période, des radios juste pour rendre hommage à la musique, des chaines métalliques juste pour compatir avec les victimes du commerce triangulaire, de la poterie ancienne et des couvercles en laine tressées à la main juste pour la mémoire des anciens et les femmes actives, des livres dans toutes les langues quand il y en a pour les lire et remercier leurs auteurs, des caisses et ustensiles qui auraient servi pendant les dernières guerres pour penser aux milliers de morts bêtement. Malgré que certains objets aient servis dans le « musée » écologique et culturel de Boughmiga, ou dans sa grande bibliothèque personnelle, cette fixation comportementale lui avait coûté très cher surtout quand il passa une bonne période à prendre des photos en papier de toutes les traces d’animaux qu’il trouvait dans les plages pour lequel il payait ses salaires complets. Maintenant, des centaines de photos sur papier, dépassées, mais heureusement pris sur le numérique dernièrement. Peut être c'était un instinct d’accumulation, un réflexe de survie qui se manifeste nettement dans son action avec l’ambiant, comme s’il était le dernier des vivant et cherchant le souvenir des autres et voulait à tout prix sauver les éléments de la vie et leurs profonds mouvements. Depuis quelques mois, les produits s’uniformisaient sur l’électronique ou les objets aux spécifications suspectes provenant de la Libye. Un vendeur de thé, qui vendaient aussi des livres au début, avec sa carriole usée, avait offert à Boughmiga un bon petit casse croûte de pain et de salade fait à la maison puis un verre de thé noir. Un client engagea la discussion et parla du dernier grand naufrage des émigrés clandestins disant qu’avec les deux milles dinars pour la traversée, ils auraient aussi achetés des habits et gilets gonflables de sauvetage et de flottaison, pour seulement quelques dinars et d’avoir ainsi survécu. Il apprécia aussi l’idée, devant la dernière décadence footballistique, de devoir s’ouvrir sur le monde et s y intégrer, tout en gardant ses propres valeurs culturelles.
Entre les étalages de vêtements usagés, une véritable aubaine pour les pauvres et même la classe moyenne, il y a un stand portant depuis des années un tas de livres, dans toutes les langues et rares étaient ceux qui pouvaient en acheter parce qu’ils étaient en anglais, en allemand ou en italien. Une bonne occasion pour Boughmiga que les œuvres importantes restaient à sa disposition. Dans le même stand, il avait remarqué la dernière fois, il y a trois semaines, un bouquin en anglais, « the bible », qu’il acheta cette fois, pour un dinar, non seulement pour son prix, mais aussi à cause de son devoir de respect aux livres sacrés. Même s’il se considère musulman, aussi bien culturellement, sa condition de penseur et de grand lecteur de livres, l’amenait à respecter toutes les religions et croyances.
Passant par le petit attroupement de vendeurs, d’acheteurs et de curieux autours des volailles, entre les poules aux pieds enliassés, les poussins dans des cartons, des lapins en noir et blanc, des canards multicolores Egyptiens, des dindons, des pigeons, des cailles d’élévage, des œufs de compagne…des oiseaux de compagnie, des perroquets verts, il remarqua un hérisson dynamique dans une grande cage d’oiseau pour lequel son jeune propriétaire avait demandé cinq dinars. Il avait certainement faim et devant la remarque à ce sujet, le jeune avait juste rigolé. Il ne savait pas bien sur, que Boughmiga l’achèterait pour le remettre en liberté dans les oueds viables pour la vie animale. Faisant encore un tour au milieu des petites bêtes et des marchandages, il pensa offrir à ses petits enfants des poules et des canards, pour qu’ils aiment les animaux, mais il se ravisa pour préparer avant un poulailler convenable. Revenant au vendeur de l’hérisson, il rencontra un homme transportant avec un air grave des tortues naines dans un carton et qui demanda à Boughmiga pourquoi il regardait avec insistance alors il lui répondit « je regarde ses malheureux ». C’était juste en ce moment, qu’il réalisa que c’était un agent de l’ordre, qui confisquait toutes les bêtes sauvages proposés à la vente dans ce souk. Cette descente, lui avait été confirmée quand il avait vu un homme en treillis vert avec l’hérisson dans sa cage qu’il avait vu tout à l’heure. Il parait que c’était la brigade des forets responsable de la vie des animaux sauvages. J’avais entendus l’un d'eux déclarer à haute voix que la vente des animaux sauvages est interdite. J’avais circulé encore sur la place pour voir la rigueur de cette rafle insolite et j’étais convaincu du sérieux de cette démarche ô combien salutaire malgré qu’elle avait bien tardé. Plus loin, j’avais aussi remarqué un autre agent en tenue réglementaire faisant le guet pour prévenir toute fuite des vendeurs d’animaux illégalement. Bravo et mille bravo à cette initiative, qui malgré son efficacité, devrait être constante et accompagné pour toute une compagne de sensibilisation, par le contact direct avec les parties, les associations et les medias. Il faut rappeler que dans la médication traditionnelle, certaines personnes recommandaient le sang de l’hérisson, la viande de la tortue, celle d’un lézard, le cœur du chacal ou la foi du renard, pour une guérison supposée de maladies imaginaires. Toutefois, c’est une très bonne nouvelle pour assainir le souk de Médenine et déconstruire tout un système d’offre et demande d’animaux sauvages, par la loi, la vigilance et la désillusion.
Lihidheb Mohsen 24.06.18
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