samedi 10 octobre 2020

Des fusils et des palmes de paix

 


Histoires brèves de l’oasis maritime de Souihel.

                               Des fusils et des palmes de paix.

                   Le soleil se levait lentement pardessus la ligne de la mer, éclairant peu à peu l’oasis touffu de palmiers. Une végétation géante, qui créait un microclimat agréable et riche en plantations à étages. Les deux hommes, portant chacun sa Balgha sous le bras, ne voyaient rien de cette beauté naturelle et marchait hâtivement vers le nord sur une piste sableuses traversant l’oasis au milieu, sur douze kilomètres avec la mer d’un côté et la colline de l’autre. Avec le tempérament gaillard des ouvriers et du bon peuple, ils se lançaient des blagues ou chantonnaient de temps en temps, pour faire de la route. Ils allaient certainement rejoindre un petit chantier de drainage de la terre humide et salée, ou assister une famille de connaissance dans le traitement des palmiers ou la culture des sorgos. A un moment ils rencontrèrent un homme armé de fusil se dirigeant vers la caserne militaire distante de quelques kilomètres. Emmitouflé dans son habit spécifique aux personnes locales engagés dans l’armée d’occupation, une appartenance très mal vue par la société locale, au point de les pointer discrètement des doigts ou chantonner des poèmes lyriques à leur encontre. Mkhazni, Gandouri, Boujeddiwa, Hidoug, Jwayou…, étaient des dénominations des différents corps se rapportant aux militaires et à la sureté coloniale en général. Aussitôt croisé, l’un des ouvriers lança au Gandouri une remarque mi-figue mi-raisin que ce dernier prit mal et leur tira dans le dos faisant un mort et l’autre blessé à la jambe. Il avait suffi qu’il entende, selon la version du blessé, « comme est beau ton fusil », pour que ça sensibilité extrême le prenne pour une insulte. Il faut dire que la société locale, n’a jamais pardonné aux gens qui prirent les armes aux côtés des colonisateurs. « Houwa houwa Boujeddiwa, beyeee dina bissirdina » soit, c’est lui, c’est lui, Boujeddiwa, qui a vendu sa patrie contre des sardines en conserves. Une construction verbale piquante, qui aurait été dite dans cette circonstance et blessa l’homme armé dans son amour propre. Quand le coup de feu retenti dans l’oasis, tout le monde arriva sur le lieu, des femmes, des enfants et des hommes dont certains s’étaient précipités derrière le tueur, mais rebroussèrent chemin, quand il les menaça avec sa carabine. Le village se remua de fond en comble et les gens s’attroupèrent autour du mort, les uns criaient, les autres soignaient la blessure du compagnon, pendant que d’autres allèrent ou bien alerter le cheikh de la tribu ou annoncer la nouvelle par le seul téléphone du village distant de trois km au bureau arabe de la ville. D’autres plus hardis, allèrent apporter le drapeau national de chez le principal leader politique de la région, afin de le mettre sur la dépouille de l’assassiné et lui rendre hommage comme un martyr de la résistance contre l’occupant. Aussitôt la jeep militaire arriva pour prendre le corps et camoufler l’affaire, mais les gens, ayant compris cette éventualité, avaient fait un cordon humain pour empêcher le véhicule de s’approcher du lieu du meurtre. La victime était étendue sur le dos à même la terre, enveloppé par le drapeau rouge et entouré par des centaines de personnes. Après de longues discussions rompues par le mur linguistique, les officiers partirent et une procession mortuaire géante eu lieu, avec le cercueil à l’avant enveloppé du drapeau étoilé et les chants patriotiques des gens du peuple, jusqu’à la famille du martyr. Un bras de fer, qui malgré le drame, avait permis aux autochtones de s’affirmer et imposer leur volonté de faire des funérailles dignes et patriotiques. C’était le plus grand incident, des années de l’avant indépendance, qui consolida l’unité des gens et donna de l’entrain à des militants et leaders, comme Salem Oueriemmi, Haj Said Msallem, Mokhtar Oueriemmi…et bien d'autres.

                                             Lihidheb Mohsen 10.10.20

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