samedi 6 mars 2021

Dompter, les vents, la mer et la terre...

 


                  


En effet, ce n’était pas un plaisir, un sport de riches ou un caprice de gens aisés, mais une nécessité absolue, que nos parents et grands-parents et même ceux d’avant, utilisaient pour garantir leurs déplacements, leurs échanges et leurs continuités. Comme les déplacements n’étaient pas faciles, surtout pour les armées et les tribus avec tout leur attirail…, la mer avait pris progressivement la relève et donner la possibilité de faire de longs voyages à de moindres couts. Il faut imaginer le mouvement des troupes humaines, en chevaux, chameaux, moutons, vaches, ânes, armes, catapultes, provisions, tentes…sur de longues distances, par étapes, tout en fixant les itinéraires sur les pistes où l’eau et l’approvisionnement, seraient disponibles. Sur la mer, il y avait beaucoup d’avantages pour les mouvements en groupes, malgré les dangers et grands risques, lors des intempéries, la qualité des embarcations, la quantité de provisions en eau, en nourriture et aussi les risques de conflits avec des corsaires omniprésents.

                   Etant conséquent, fidèle à l’histoire humaine et universaliste, notre approche cite ces images pour avoir un aperçu global sur le sujet et place notre description dans son milieu des sages et des gens bien, « Ness Mleh ». Les premiers indices locaux, étaient les clous que les Romains utilisaient pour la construction de leurs bateaux plats dans tout le littoral du sud Tunisien. Un grand nombre qui désigne la quantité des constructions faites pour la pêche et même les voyages, dans des endroits adéquats à ces activités d’autrefois. Il faut dire que Boughmiga avait trouvé un clou de dix-neuf centimètres de longueur à coté d’une ancienne ville Romaine, ce qui pourrait donner une idée sur les dimensions des bateaux. Depuis Oued El Akarit, jusqu’à la frontière Libyenne et certainement plus, ces traces tactiles existent bien et témoignent du passage d’un savoir-faire orienter vers la mer. Une déduction qui pourrait affirmer la disponibilité du bois, et certainement des forêts, encore à cette période. Pour la route, il faudrait rappeler le déplacement quotidien des habitants du grand site historique, Meninx de Djerba, à caractère résidentiel et industriel pour les Romains et bien avant, vers la cote opposée d’El Khsim, pour s’approvisionner en légumes, eau et en céréales.

                   La deuxième focalisation sur l’histoire contemporaine de ces mouvements locaux, souligne la contrebande qui existait par mer, entre Zarzis et Zouara de l’autre côté de la frontière. Une concertation d’échanges entre les hommes des deux côtés pour s’envoyer par bateau à voile, les denrées qui manqueraient chez l’un ou l’autre et faire ainsi des bénéfices au damne des autorités douanières respectives, d’autrefois, Françaises et Italiennes. Quand une femme rencontrait des agents armés de contrôle, elle commençait à crier à haute fois, pour prévenir les hommes sur la plage préparant le trafic, prétextant qu’elle avait quelqu’un de la famille qui venait de mourir. Pour détourner la surveillance de la mer par des bateaux armés de la douane, les Accara préféraient les jours de tempêtes pour faire leurs expéditions périlleuses et quand par malchance, ils rencontraient une patrouille maritime, ils jetaient la marchandise à la mer, pour effacer les preuves. Dans un témoignage direct à Boughmiga, Si Khalifa, avait dit que lors des journées de grands vents, on le mettait sur le bateau à voile plein de marchandises, le fixait avec sa « Wazra » solidement à cause du froid et l’instabilité, pour le pousser sur les vagues géantes vers la direction sud est. Il avait le timon entre le coude et le corps et les pieds bien fixés sur les planches, alors ses yeux étaient fixés sur le voile très tendu, dont les « rennes » étaient noué à coté de lui. Ainsi sautant sur les vagues, le bateau avec sa marchandise arrivait à Fraawa à coté de Zouara, et les gens devaient faire descendre Si Khalifa, tant son corps était froid et les muscles tendus, et il fallait un grand feu pour le réchauffer. Fraawa était toujours citer favorablement par les pêcheurs, à cause de son eau douce à même la terre sur la plage et aussi, à cause du fait, que cet endroit était petit un port sur et accueillant.

                   Il y avait bien une ligne de cabotage maritime entre Sousse et El Bibane, qui s’arrêtait à Sfax et Djerba à l’aller et au retour. Une navette régulière officielle qui ne manquait ses heures que pendant les mauvais temps, l’obligeant à faire des retards. Essentiellement pour le transport des marchandises, les hommes faisaient le voyage aussi, surtout entre Djerba et Sfax. Entre ces deux villes, la navette qu’on appelait « Triciti », avait duré plusieurs années et les gans du sud est Tunisien, l’utilisaient.

                   Pour les presque insulaires d’El Bibane, les ouvriers et leurs familles, qui venaient tous d’un village à Djerba, arrivaient par leurs propres bateaux à voile, dans des voyages saisonniers, selon les périodes de repos de l’exploitation du poisson du lac, ou les cérémonies de mariages pendant l’été. Boughmiga, se rappelle bien comment, quand il faisait avec ses amis de longues sorties en mer à la nage, les Bibania avec leurs bateaux à voiles, revenant d’El Hdadda vers le sud, leur donnaient des dates jaunes « Bsir », Ô combien délicieuses avec la salinité de la mer. L’image des embarcations pleines de femmes et d’enfants, était formidable et conviviale, dans les esprits des enfants essoufflés au milieu de la mer. Certainement, ces gens ne connaissaient pas le route par la terre, tant la distance était beaucoup plus grande, couteuse, la route désastreuse et rocailleuse menant vers l’archipel au bout de l’isthme nord.

                   Encore plus loin, entre El Bibane et Zouara, Accara à leur tour avaient aussi dompté les vents pour utiliser leurs barques au transport des produits en céréales de la Choucha vers le port de Zarzis. Il y avait déjà, une installation en silos pour accueillir la grande quantité de grains. Quand le temps était mauvais, les charrettes faisaient le nécessaire sur la piste terrestre. 

                    Au passage, pour rester fidèle à une page, de l'histoire, pour que la mémoire, reste vivante, et faire du passé un tremplin, pour de meilleures lendemains, en parlant des bienfaits de la mer, pour les déplacements clandestins, des leaders destouriens, ainsi que les prouesses de nos marins, pour la pêche aux éponges, loin, très loin, autour des Îles de Kerkennah, et même au-delà, traversant des courants marins dangereux, pendant six mois de chaque année.

                   D’une certaine façon, le déplacement en mer, malgré certaines difficultés ponctuelles, était beaucoup plus facile, moins onéreux et il suffisait de l’énergie éolienne et l’habilité à maitriser le climat et le matériel approprié. Il faut dire encore, que nos ancêtres avaient fait le nécessaire, avec les moyens de bord, et tracèrent un itinéraire, à suivre et à faire.

                                                   Lihidheb Mohsen 06.03.2021

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