lundi 8 mars 2021

Les vendeurs au troc, équitables.

 


                  



Comme si on parlait de la dernière glaciation, l’éruption des volcans ou la formation de la terre, chimères, de participer à cette fixation, rétrogradation, au bord du conscient, alors gentiment, on va citer, un petit flash de notre vie, pour stimuler nos envies, en chœur, pour un monde meilleur…

-       Le vendeur d’eau : Les villageois l’entendaient de loin, s’annonçant grâce à son sifflet et son bruit strident et particulier. Avec sa haute charrette, au-dessus de laquelle, deux futs en métal, pleins d’eau qu’il desservait au fur et à mesure aux paysannes, dans leurs jarres, en contrepartie d’un peu d’argent. Les femmes se précipitaient au bord de la route, pour s’approvisionner en eau, surtout pendant les années de disette. Il ne passait pas chaque jour, car les possibilités pécuniaires des habitants étaient maigres tant les origines de l’argent n’existaient presque pas. Une affluence notoire qui motive aussi ceux qui gardaient jalousement le peu d’eau de pluie encore dans leurs citernes de la maison. Il faut reconnaitre, que ce vendeur d’eau, constituait une alternative salutaire, pour les gens qui raclaient les fonds des rares puits, ou se servaient des canaux des puits artésiens, fortement salés et destinés exclusivement à l’irrigation des palmiers et sorghos, ainsi qu’à abreuver le bétail. Un métier, qui disparut lentement, en fonction de la prolifération des citernes en bétons pour les pluies rares, ainsi que la canalisation de la société des eaux, dont l’eau est aussi devenue progressivement salée impropre ni aux hommes ni l’irrigation malgré la prétendue désalinisation. Un grand merci, à cet homme, qui avait pris l’initiative d’alimenter nos parents, en eau, les désaltérer dans les temps difficiles. Jusqu’à maintenant, comme le chien de Pavlov, le bruit strident des sifflets, nous salive, étanche notre soif et nous donne une confiance en l’autre et beaucoup d’espoir.

-       Le vendeur de kérosène :   Il avait aussi une citerne à roues, appropriée avec des escaliers, guidée par un grand cheval, pour desservir les petites boutiques et rarement les particuliers, qui s’adressaient aux détaillant pour alimenter leurs lampes à pétrole et à un moment les Primus pour faire de la lumière ou la cuisson.  Les enfants achetaient pour leurs parents, dix centilitres de pétroles, dans des « Boutilia », autrefois, un petit trésor, qu’on avait trouvé venant de la mer.

-       L’échangeur « Beddel » Sur son âne, de maison en maison, l’homme échangeait du sel, contre les grains ou l’huile d’olives. Dans une sorte de troc millénaire, de produits de première nécessité.

-       Le nettoyeur de marmites « Gazdar » : Sur son âne, un homme toujours juif, comme le partage des rôles l’exigeait, allait de maison en maison pour nettoyer les marmites en cuivre de la noirceur accumulée par la cuisson sur le feu de bois. Utilisant le bicarbonate de soude et le citron, il réussissait toujours à remettre à la maitresse de la cabane, un ustensile propre et flamboyant. Une action magique, qui confirmait le rôle des juifs dans l’alchimie, la médication, les nouvelles techniques et l’artisanat. On parle d’un jeune qui avait enlevé à un juif vendeur ambulant des pots, mais son père, l’avait obligé à les rendre l’après-midi même avec les excuses. Un autre avait provoqué un juif ambulant pour un duel de lutte corps à corps, mais quand ce dernier pris le dessus, le perdant avait dit que c’était juste pour rigoler, alors le juif avait répondu en riant et criant, Ô comme je te crois, Ô comme je te crois…. Toutefois, ce n’était pas méchant, sauf quand l’un des usuriers avait dépasser les limites en hypothéquant les chameaux, les terres, les récoltes, les barques…d’une grande partie de la population.

-       Le vendeur de poterie « Gallali » : Venant de Djerba, spécialement du village de production de la poterie, Guellala, avec sa charrette pleine d’ustensiles divers, allant de la grande amphore pour l’huile d’olive, de moins grandes pour les provisions, des jarres pour l’eau, des gargoulettes, des plats en argile, des tire lires, des darbouka tam tams, des pots pour les ablutions… Ces objets permettaient de garder et prévenir les jours difficiles, les grains, la poudre de grains, les fruits secs, les viandes grillées, les graisses, les dattes, les boules de dattes, les lentilles, les fenouils grecs, les piments en poudre, les figues sèches, les tomates sèches, le sel, le petit poisson sec, les rouleaux de trippes de moutons secs, les olives salées…. Comme pour l’eau, le passage de ce vendeur de poteries, se faisaient avec des appels vocaux qui parvenaient aux villageois au-dessus des bruits de fond des cris d’animaux. Alors dans la maison, les amphores s’alignaient et les jarres misent à côté de la porte pour l’eau du puits.

-       Le marchand de beignets : Surtout pendant la cueillette des olives, cet homme à dos de son âne avec deux grands couffins à droite et à gauche de la monture, vendait des beignets encore chauds, aux cueilleurs d’olives et leurs enfants, en contrepartie de payement en nature du produit de l’oliveraie. Comme pour le vendeur de fèves bouillis, la marchandise arrivait encore chaude, par le savoir-faire et l’expérience de ces amis du monde producteur de richesses.

-       Les chanteurs ambulants « Ghbonten » : Originaires de la ville de Sidi Makhlouf, avec un folklore spécifique et totalement intégré, ils proposaient des chants narratifs avec approche historiciste et clairement militante. Avec un vestimentaire particulier en couleurs, ils parcouraient l’immense oliveraie de Zarzis, par groupes de trois, de plantage en plantage, pour s’arrêter pendant un quart d’heure et égailler les cueilleurs par cet art direct. Bien sûr, ils étaient payés en olives. En ce temps, la radio n’existait pas encore massivement, et il fallait bien que les bosseurs s’amusent un peu.

-       Les voyantes : elles ne se déplaçaient pas en groupe, une à une, de maison en maison ou de plantage en plantage d’oliviers, à prédire le futur des gens, en usant d’un vocabulaire chantant et agréable au point de toucher l’inconscient et émouvoir l’auditoire, au point de la faire croire aux prémonitions plausibles. Celles-là, moins sincères et plus enclines au bluff, s’appuyaient sur des citations religieuses pour émouvoir et recevoir quelque chose en nature et en argent.

-       L’acheteur de vêtements usagés « Challag » :  Sur un âne comme les autres, il allait d’une maison en maison criant sa qualité et l’objet de son action, achetant les vêtements usagés contre du sel, afin de recycler ses achats pour le tissage manufacturier.

-       Le vendeur de sel « Mellah » : A son tour, sur l’âne de toujours, l’ami de l’homme, il proposait aux foyers, du sel du lac salée, contre de l’orge et du blé. Alors que ce dernier était aussi un produit noble, pour faire le couscous, plat principal de chaque jour.

-       L’acheteur d’œufs : Encore sur son grand âne, avec ses grands couffins sur ses flans, pleins de foins, pour accueillir les œufs que l’homme achetait des foyers. Le foin et quelques fois les algues sèches, amortissaient les éventuels chocs et prévenir la fragilité de ce produit des poulaillers. Généralement, cet homme, qui revendait les œufs frais en ville pour les juifs, il vendait aussi les os de seiche, qu’il aurait collecté sur les plages.

-       Ztoot : Cette fois, c’était un personnage, intégré dans le village, qui passait une fois toutes les quinzaines, à mendier des grains, de l’huile d’olive et de la nourriture. Il n’avait rien à vendre, à part une baraka, qui suivait à chaque fois son passage. Un troc aussi important pour cet homme toujours en mouvement à travers les douars, avec sa haute stature, son « Jerd » vieille Wazra et ses deux longs bâtons qu’il croisait à chaque pas derrière lui pour ne pas être surpris par les chiens agressifs.

-       Luck Luck : cette fois, c’était un couple de vieux belges, qui s’installèrent au village maritime avec leur voiture omnibus fermé qu’ils transformèrent en guichet ambulant. Ils vendaient à prix dérisoire des glaces, des gâteaux, dont les enfants raffolaient. Reconnus au son du cor, les enfants accouraient des écoles pendant les récréations pour se servir avec un grand plaisir. Un plaisir réciproque, qui affectait aussi ces amis de la région qui y restèrent pendant trois ans au moins. Pendant, les vacances scolaires qui coïncidaient souvent avec les cueillettes des olives, l’omnibus allait aussi sillonnant l’oliveraie et le son du cor, interpellait les enfants et même les grands. Jusqu’à maintenant, quarante ans plus tard, le souvenir de leur passage, reste encore dans la mémoire agréable de cette période.

                   Ainsi, il n’y a pas longtemps, de cet instant de la vie, que ces amis, avaient servi, avec confiance et bonhomie, un commerce équitable, une approche conviviale et un troc centenaire, entre les frères….

 

                                     Lihidheb Mohsen 08.03.2021

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